Le Dr Bucholzer ne trouve pas de patients !

Publié le 17/02/2009
Article réservé aux abonnés

C’est l’histoire d’un médecin « volontaire pour les zones sous-dotées » qui a mordu la poussière

À l’été 2008, le Dr Catherine Bucholzer, 50 ans, généraliste à Saint-Julien-les-Villas, dans l'agglomération troyenne (Aube), envisage d’ouvrir un cabinet secondaire en zone déficitaire aux Riceys, un petit village de caractère à 50 km de Troyes, à l’extrémité Sud du département. « Je trouvais l’endroit bien joli, j’entendais les plaintes de certains de mes patients sur le manque de médecins dans ce secteur et j’avais décidé d’anticiper la loi Bachelot », explique-t-elle. Début octobre, le Dr Bucholzer prend contact avec Jean-Claude Mathis, député-maire UMP de la commune, qui se montre ouvert au projet; il existe en effet sur place un local libre pour une éventuelle installation, au sein de la maison médicale qui vient d’être inaugurée en juin (et où exerce déjà un médecin généraliste, un dentiste, un kiné, un podologue et deux infirmières). Joint par le Quotidien, Jean-Claude Mathis confirme son intérêt d’alors. « Je me suis dit : ok, pourquoi pas ce cabinet secondaire ? Autrefois on avait trois médecins dans la commune, il n’y en a plus qu’un seul alors que la population n’a pas baissé au contraire, donc le potentiel est énorme… ». Sept autres médecins généralistes exercent dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. De son côté, le Dr Bucholzer est convaincue qu’il y a une forte demande médicale puisque « tout le monde dans le secteur se dit débordé ».

Un patient par jour…

Formalités administratives, ordinales… : le projet de cabinet secondaire prend corps assez rapidement. La mairie met à disposition le local (gratuitement dans un premier temps), un bureau « des années soixante », précise le médecin, des chaises, une table pour les instruments… « On lui a fait un pont d’or ! », affirme carrément Jean-Claude Mathis. Mais l’histoire va rapidement virer à l’aigre.

A partir du 8 décembre, le Dr Bucholzer réorganise son agenda et sa consultation désormais partagée entre cabinet principal et cabinet secondaire. « J’avais décidé de venir tous les jours aux Riceys, l’après-midi. J’ai vite bu le bouillon… ». La première semaine, elle affirme avoir vu « cinq patients, et la deuxième, j’en vois neuf ! ». Un peu « écœurée », le Dr Bucholzer décide, pour les fêtes de fin d’année, de faire un renvoi d’appel sur son portable et de ne pas se déplacer pour rien. « Ce fut une très bonne idée, j’ai eu moins de dix coups de fil en dix jours ! ». Le scénario cauchemar se poursuit en janvier. « Aux Riceys, je ne vois personne, pendant ce temps-là, à Troyes c’est l’hécatombe avec les épidémies ! ».

Pourquoi ce fiasco ? Chacun avance ses explications. Pour le député-maire, Jean-Claude Mathis, le

Dr Bucholzer n’était pas assidue. « Elle venait une demi-journée par-ci par-là, puis plus du tout, bref quand ça lui plaisait ! À la mairie, on a reçu des coups de téléphone de patients qui n’arrivaient pas à la trouver… ». Il admet néanmoins qu’en milieu rural, « pour un médecin qui n’est pas du pays », il n’est pas si simple de tisser un lien de confiance avec les patients qui ont leurs habitudes (le fait d’avoir une salle d’attente commune complique aussi les choses) ; pour autant, juge le maire, le Dr Bucholzer « aurait dû persévérer ». Cette dernière qui a testé en quelque sorte le désert médical… sans patients a une autre analyse. « Moi je ne suis pas venue pour faire le bouche-trou mais comme un renfort régulier et donc pour voir des patients, pas pour travailler à fonds perdus, explique-t-elle. Or, je n’ai pas senti l’enthousiasme délirant et le soutien des confrères du secteur. La réalité, c’est qu’ils ne sont pas aussi débordés qu’on le dit, et c’est chacun pour soi ! Ils n’avaient pas forcément envie de partager. Ma conviction c’est que les zones dites déficitaires sont surtout une illusion médiatique ». Échaudée par cette expérience en zone déficitaire « qui mérite d’être racontée pour ne pas envoyer les médecins au casse-pipe », le Dr Bucholzer est retournée dans son cabinet principal. Le maire ironise, un brin vachard : « Presque personne ne s’en est rendu compte ».

CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr