Le ministre de la Santé leur avait mis la pression lors du lancement du volet santé du Conseil national de la refondation, au Mans, le 3 octobre. Les sept Ordres des professions de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, kinés, pharmaciens, dentistes et podologues), rassemblés au sein d'un comité liaison – le Clio –, ont rendu leur copie ce jeudi et elle devrait avoir de fortes répercussions sur l'organisation de l'offre de soins.
Articulées autour de quatre axes, les propositions ordinales ont vocation à répondre « aux problématiques d'accès à la santé dans les territoires », réponse qui passe notamment par un meilleur partage des actes et des activités entre les médecins et les autres professions. Le gouvernement leur avait demandé des « bougés » très concrets. « À défaut, nous prendrons nos responsabilités, car c’est ce que nos concitoyens attendent », avait averti François Braun au Mans.
Des équipes pour dégager du temps supplémentaire
La réponse a semblé convenir au ministre qui – avec sa binôme Agnès Firmin Le Bodo, chargée de l'Organisation territoriale et des professions de santé –, a qualifié l'ensemble des propositions « d'avancée majeure pour le système de santé ».
De fait, la feuille de route ordinale va loin. Alors que plus de six millions de Français n'ont pas ou plus de médecin traitant, le Clio invite à « développer dans chaque territoire les partages d’actes et d’activités des médecins vers les professionnels de santé exerçant au sein d’équipes de soins primaires et de proximité pour dégager du temps supplémentaire au médecin traitant afin d’augmenter le nombre de patients pris en charge par les médecins, tout en préservant la qualité de la prise en charge de chacun ». Une approche qui devrait s'opérer au cas par cas.
Ce n'est pas tout. Comme Emmanuel Macron l'avait suggéré dans son programme présidentiel, les Ordres estiment « qu'à défaut de médecin traitant disponible », il va falloir « confier aux autres professionnels de santé une mission en termes d’orientation du patient dans le système de santé, en assurant une première prise en charge, et en organisant avec les autres acteurs du territoire, l’orientation vers un médecin traitant ». Une façon comme une autre de pallier la pénurie médicale en utilisant d'autres ressources (infirmières, pharmaciens, etc.).
Révolution copernicienne
Les ministres applaudissent à cette révolution copernicienne (sur les délégations) rendue possible par l'évolution récente de la position de l'Ordre national des médecins. « Mais en contrepartie d'actes transférés par le médecin aux autres professionnels, nous demandons que son rôle central d'animateur soit reconnu et que des consultations longues soient mieux définies et revalorisées financièrement » a toutefois prévenu son nouveau président, le Dr François Arnault, au « Quotidien » fin septembre.
Pour François Braun et Agnès Firmin Le Bodo, il va falloir à présent « valoriser les compétences des professions de santé au travers des dispositifs de formation et garantir une démographie des professionnels de santé cohérente avec les besoins de la population ». De son côté, le Clio estime que le processus d'universitarisation, pour les professions concernées, « doit être poursuivi afin de favoriser la transversalité entre les formations ». Il s'agit notamment de la profession infirmière.
Premier à réagir, l'Ordre infirmier a immédiatement salué ce texte de compromis produit par le Clio et appelé les pouvoirs publics à « définir la liste des actes transférés pour une entrée en vigueur mi-janvier 2023, afin d’apporter en urgence des solutions aux patients ». Cette impatience est à mettre en rapport avec le chantier maintes fois reporté de la mise à jour du décret de compétences des infirmières, vieux de vingt ans.
Pharmacien correspondant
L'Ordre des pharmaciens (Cnop) est également dans les starting-blocks. Il milite pour un déploiement plus large de la dispensation protocolisée, comme c'est déjà le cas pour les médicaments à prescription obligatoire dans le cadre de la cystite et de l'angine dans le cadre d'un exercice coordonné. « L’objectif est de pouvoir étendre la liste des pathologies et de simplifier les conditions de réalisation pour un déploiement plus massif », dit le Cnop, partant pour développer le rôle du « pharmacien correspondant ».
Dans les prochaines semaines, l'État et l'Assurance-maladie « travailleront en collaboration avec les Ordres pour accompagner et traduire en actes concrets ces évolutions » précise le ministre en écho avec la récente petite phrase de François Braun dans le « Journal du dimanche ». « Le combat, on le fera avec les troupes qu'on a », avait lancé l'ancien chef des urgences messin.
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