LE QUOTIDIEN – Un an après son lancement, quel bilan d’étape tirez-vous du CAPI, que vous avez instauré contre l’avis des syndicats médicaux, de l’Ordre et de l’industrie pharmaceutique ?
FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM – Nous avons aujourd’hui 14 500 CAPI souscrits volontairement par les médecins et nous arrivons bientôt – le 1er juillet – à l’échéance de la première année pour ceux qui ont adhéré parmi les premiers (au cours du deuxième trimestre de 2009). Nous avons constaté que les « capistes » sont tout à fait représentatifs de l’ensemble des médecins généralistes. Mais surtout, le premier bilan sur neuf mois révèle que 55 % des médecins signataires, au regard de leurs résultats, sont d’ores et déjà certains d’être rémunérés. Si nous projetons ce résultat sur un an, je peux dire que deux tiers des médecins signataires vont toucher une rémunération relativement importante dès cette première année. Les premiers versements interviendront dans le courant de l’été pour environ 4 000 médecins.
Quel est le montant de ces primes sur objectifs ?
Le CAPI récompense un réel effort d’accompagnement des patients chroniques, de prévention et d’optimisation des prescriptions. La rémunération des médecins et l’augmentation des examens médicaux sont autofinancées par les économies sur le médicament.
Les médecins du premier quartile (25 % les moins rémunérés) recevront en moyenne une rémunération de
1 400 euros au titre du CAPI. Les médecins du quatrième quartile (25 % les plus rémunérés) toucheront en moyenne 4 780 euros. Et pour l’ensemble des médecins rémunérés, la contrepartie forfaitaire sera d’environ
3 000 euros pour l’ensemble des régimes. C’est un montant qui est loin d’être négligeable contrairement à ce que certains avaient laissé entendre !
J’ajoute que tous les médecins généralistes progressent sur les indicateurs. Le CAPI a un effet d’entraînement sur tout le monde : les médecins qui se sont engagés dans le CAPI progressent un peu plus vite, mais les autres aussi. C’est pourquoi, avant le mois de septembre, nous permettrons à l’ensemble des médecins généralistes éligibles au CAPI d’avoir librement accès à leurs indicateurs via leur compte internet sur ameli.fr.
Le nombre de médecins « capistes » semble plafonner sous la barre des 15 000... Allez-vous, avec ces premiers résultats, relancer une campagne « CAPI » auprès des généralistes ?
Nous avons effectivement quelque 30 000 médecins éligibles qui n’ont pas encore signé de CAPI. Or, environ 9 000 d’entre eux auraient pu bénéficier d’une rémunération de l’ordre de 2 500 euros... Nous allons relancer en septembre via nos délégués d’assurance-maladie la proposition de souscrire un CAPI, sur la base des résultats constatés. Il y a aussi l’expérience des confrères qui va jouer. Je constate enfin que les positions ont beaucoup bougé. Le rapport Legmann, par exemple, s’est prononcé pour une rémunération des médecins à trois niveaux : forfait, actes, objectifs de santé publique.
Envisagez-vous des adaptations de ce CAPI première formule ?
La crainte que la barre des objectifs soit trop haute est levée puisque les deux tiers des médecins auront une contrepartie dès la première année. Cela dit, nous devons sans doute mieux accompagner les médecins proches de leur objectif de 25 % (taux de réalisation exigé pour les objectifs « prévention » et « prescriptions » qui permet de déclencher le versement d’une prime). Il y a un effet de seuil (pour bénéficier de la prime) qu’il faut lisser. On pourrait par exemple envisager de déclencher la rémunération à 15 % de taux de réalisation. Aujourd’hui, suivant qu’un médecin qui a 800 patients est à 24 % ou 25 % de ses objectifs, il passe de zéro à 1 400 euros. Cela doit être corrigé. On peut aussi sans doute faire évoluer certains indicateurs. Il serait souhaitable d’élargir le volet de prévention au suivi de la prévention du cancer du col de l’utérus.
Envisagez-vous toujours une extension du CAPI ?
Oui mais je souhaite que l’évolution du CAPI fasse partie des thèmes de négociation conventionnelle. Je reste favorable à la généralisation du CAPI par la convention médicale. Il faut envisager l’extension aux autres spécialités progressivement, l’idée étant de rémunérer le respect des référentiels de bonnes pratiques, ce qui nécessite d’en définir le contenu par spécialités. On peut aussi imaginer ultérieurement une rémunération liée au respect d’objectifs de santé publique et de qualité des soins pour des établissements.
Pour moi, cette forme de rémunération « au mérite » préfigure la réforme de la rémunération de la médecine générale. On peut d’ailleurs déjà imaginer un nouveau volet du CAPI : les services rendus aux patients en matière d’informatisation du cabinet, de télétransmission et de tenue des dossiers médicaux…
Êtes vous décidé à appliquer la taxe sur les feuilles de soins papier dont les syndicats demandent le retrait ?
Elle n’est prévue qu’au 1er janvier 2011. Il reste six mois pour favoriser l’équipement des médecins. Dès septembre, nous allons à nouveau sensibiliser les médecins qui ne télétransmettent pas encore à l’intérêt d’accepter la carte Vitale. Nous voulons réussir cette modernisation de la médecine libérale et éviter les pénalités sur les feuilles de soins papier. C’est pourquoi dans toutes les caisses nous allons mettre en place des conseillers informatiques pour aider les médecins à passer le cap. Et nos lancerons un plan d’action sur les téléservices.
Quel est votre état des lieux de la contestation tarifaire, C à 23 euros et CS ?
En pratique, cela représente 5 à 6 % des médecins, de façon occasionnelle. Les cotations CS sont systématiquement rejetées. Le C à 23 euros, lorsqu’il est réalisé de façon régulière et indue, comme un DE systématique, fait l’objet de la procédure de suspension de la prise en charge des cotisations. En réalité, la très grande majorité des médecins voient les difficultés de leurs patients en période de crise. Et ils ont aujourd’hui une visibilité sur le C à 23 euros et sur le CS qui fera l’objet d’une réunion de la commission de nomenclature en octobre prochain.
Certains directeurs de caisses primaires semblent faire du zèle en matière de contrôles. Des médecins se disent « harcelés ». Y a-t-il des consignes particulières de fermeté ?
Sur les tarifs, oui, il y a des consignes de fermeté car certains syndicats ont violé les textes conventionnels en donnant des consignes unilatérales de dépassement. Pour le reste, prescriptions, respect du bizone, nous restons très attentifs à l’application des textes en cette période de difficulté financière pour la Sécurité sociale.
Tous les dossiers conventionnels sont-ils forcément gelés jusqu’à la nouvelle convention ?
Notre analyse juridique est que nous ne pouvons pas faire d’avenants sur un règlement arbitral. La loi nous incite clairement à reprendre une négociation. Les syndicats sont en période de campagne électorale. Laissons passer cette séquence. Élections le 29 septembre, enquête de représentativité puis nouvelle négociation conventionnelle.
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