« Si mon conjoint n’officialise pas sa situation de conjoint collaborateur bénévole et non déclaré, que risque-t-il de nous arriver au pire ? » Cette question nous est soumise de manière récurrente depuis 2007. Or la loi Pacte de septembre 2019 a posé une ultime date butoir pour que tous les conjoints collaborateurs bénévoles, jusqu’alors occultes, soient officiellement déclarés à l’Urssaf et à la Carmf : le 1er septembre 2021. Et cette fois, l’arsenal répressif en cas de défaut de déclaration est à prendre vraiment au sérieux comme vous allez le voir.
Organisateur de travail dissimulé
La législation précise désormais qu’un conjoint collaborateur bénévole non déclaré est par définition un conjoint collaborateur salarié par défaut. En effet, en cas de découverte d’une situation de conjoint collaborateur bénévole occulte, il y a dissimulation d’activité salariée du fait du lien de subordination du conjoint fournissant le travail et c’est donc la législation du travail qui s’applique sans alternative libérale possible. Votre conjoint se trouverait donc en situation de travailleur salarié non déclaré, et vous en situation d’employeur non déclaré, autrement dit d’organisateur de travail dissimulé.
Les sanctions
Après condamnation au tribunal correctionnel, l’une ou plusieurs des conséquences suivantes s’ensuivraient.
Sanctions civiles - Le risque financier serait lourd pour vous, son employeur, par requalification automatique par l’Urssaf de votre conjoint en travailleur salarié. La prescription applicable en matière de recouvrement de cotisations sociales (salariales + patronales) éludées étant de 5 ans plus l’année en cours, l’Urssaf les recalculerait tout en les majorant d’une amende civile de 25 %, plus 5 % d’intérêts de retard. Et la question la plus épineuse serait la détermination unilatérale par l’Urssaf de son temps de travail ainsi requalifié en salaires.
Sanctions pénales - Le risque pénal d’employeur illégal, avec amende pénale pour organisation de travail dissimulé, frais d’avocat en vue de la minimiser en sus, serait lourd également. La peine maximale applicable à la personne physique est de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, majorée d’une amende à l’encontre de l’entreprise allant jusqu’à 225 000 € pour les sociétés d’exercice comme les SCP ou les SEL. Il existe en sus diverses peines dites complémentaires telles l’interdiction définitive d’exercer la profession libérale fautive, l’interdiction d’exercer une fonction publique, etc.
Sanctions administratives – Le législateur a prévu en sus diverses peines telles une fermeture administrative de 3 mois, l’interdiction jusque pendant 5 ans d’exercer l’activité professionnelle fautive et d’obtenir certaines aides publiques, etc.
Pour votre défense, inutile d’espérer jouer au plus fin en déclarant que l’activité de conjoint collaborateur bénévole était en réalité libérale, et que vous êtes le seul oublieux d’avoir cotisé à la CARMF pour cela en vue de minimiser la note. Ce temps est révolu depuis le 1er septembre 2021.
Révélation d’une situation de travail dissimulé
Une situation de travail dissimulé peut d’autant plus facilement se révéler par une dénonciation d’un tiers qu’en pratique elle s’affiche le plus souvent au su et au vu de tous les patients depuis plusieurs années… Elle peut aussi se révéler par un accident assez grave frappant le collaborateur au cabinet, sur son « lieu de travail », sa mise en cause directe par un patient lors d’un problème médico-légal potentiel ou déclaré, une mésentente conjugale aboutissant à un divorce très contentieux, etc. sans parler du rôle amplificateur des réseaux sociaux.
Le bénévolat est presque toujours perdant
Si votre couple (marié ou pacsé) est concerné, l’obligation législative qui pèse sur vous constitue surtout une occasion de vous poser la bonne question en matière de gestion de ce poste professionnel : avez-vous tous deux vraiment intérêt à ce que la collaboration de votre conjoint reste « bénévole » ? Ou plutôt l’inscrire dans le cadre du salariat, idéalement par l’embauche comme assistant médical subventionné (« Le Quotidien du Médecin » du 10/09/2021) ? Car le statut du bénévolat, pour fort simple qu’il soit, souvent « choisi » par défaut ou passivité, ou encore par sa « simplicité » est presque toujours (très) perdant pour chacun, et donc à éviter. Voici un repère comme exemple : ces neuf dernières années, l’augmentation de la cotisation du régime de retraite de base en cotisation forfaitaire du conjoint a été de 38 %, tandis que la cotisation minimale a subi une augmentation de 201 % sur la même période…
Pour structurer votre réflexion et établir vos calculs, nous vous conseillons de vous renseigner sur l’embauche de l’assistant médical subventionné, et de comprendre comment fonctionne la grande défiscalisation sur vos revenus professionnels que constitue l’épargne salariale depuis la loi Pacte.
Précisions - Toute nouvelle déclaration de conjoint collaborateur bénévole non salarié, à compter du 01/09/2021, doit être accompagnée d’une attestation sur l’honneur signée par le conjoint (décret 2021-300). Pour la définition du travail dissimulé et ses conséquences, voir https://www.urssaf.fr/portail/home/les-risques-du-travail-dissimule/les…
Exergue : Avez-vous tous deux intérêt à ce que la collaboration de votre conjoint reste « bénévole » ?
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