L’acquisition, ou l’apport, d’une patientèle est devenue déductible depuis le 1er janvier 2022

Par
Publié le 10/02/2023
Article réservé aux abonnés
La loi de finances pour 2022 offre une possibilité exceptionnelle et temporaire de rendre l’acquisition ou l’apport de patientèle déductible de votre résultat fiscal, par amortissement sur une durée de 10 ans, y compris lors d’un passage en SEL mais sous conditions.
Jusqu'à maintenant, l’acquisition d’une clientèle de profession libérale ne pouvait faire l’objet d’un amortissement comptable

Jusqu'à maintenant, l’acquisition d’une clientèle de profession libérale ne pouvait faire l’objet d’un amortissement comptable
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La doctrine fiscale

Depuis des décennies, la doctrine fiscale précise que l’acquisition d’une clientèle de profession libérale - appelée fonds commercial en langage comptable, même si la profession exercée n’est pas de nature commerciale - ne peut en aucun cas faire l’objet d’un amortissement comptable. Et donc d’une déductibilité par fractions du résultat fiscal de l’entreprise qui l’exploite, s’agissant d’un élément incorporel (au sens juridique) dont la durée d’utilisation est non limitée. Toutefois, sans modifier cette doctrine fiscale et afin de soutenir l’économie, l’article 23 de la loi de finances pour 2022 introduit une mesure dérogatoire et temporaire constituant en pratique un revirement à 180° de ladite doctrine en rendant les patientèles déductibles en totalité et sur option. Autrement dit, si vous êtes concerné, vous pouvez choisir de vous abstenir d’utiliser cette mesure dérogatoire ou au contraire en profiter. Il s’agit d’un choix de gestion.

La mesure dérogatoire

Acquisition - Cette mesure s’applique aux patientèles acquises à titre onéreux entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Elle concerne toutes les petites entreprises, y compris celles exerçant une profession non commerciale. Sont qualifiées de petites entreprises celles qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : un montant de recettes de 12 M€, un total de bilan de 6 M€ et un nombre moyen de salariés employés de 50, autant dire la quasi-totalité de nos lecteurs. L’acquisition peut tout aussi bien avoir été réalisée par une entreprise individuelle (EI) soumise au régime fiscal des BNC que par une société d’exercice type SCP, SEL ou SEP. Apport – La mesure dérogatoire s’applique également aux patientèles qui ont fait l’objet d’un apport sous quelque forme que ce soit, et tout particulièrement à une société d’exercice type SCP, SEL ou SEP. Précisions : si vous y trouvez avantage, il vous est possible d’y renoncer et de bénéficier du report d’imposition de la plus-value d’apport constatée selon les dispositions de l’article 151 octies du CGI. Amortissement linéaire sur 10 ans – En pratique, dans le cadre d’une profession libérale telle que celle d’un médecin ou d’une société d’exercice de médecins, la législation précise que, dans l’ignorance de la durée réelle d’utilisation de la patientèle acquise ou apportée, l’amortissement doit se réaliser comptablement sur une durée forfaitaire de 10 ans, par mesure de simplification. Exemple concret : vous avez succédé le 1er janvier 2023 à un confrère qui vous a vendu son outil de travail comportant notamment sa patientèle, valorisée à hauteur de 80 000 €, vous inscrirez cette acquisition à votre registre des immobilisations et amortissements pour cette somme, mais à l’inverse de ce qui se pratiquait avant cette mesure dérogatoire, vous disposez désormais d’un choix de gestion : - soit vous décidez de ne pas utiliser cette mesure dérogatoire et vous vous contentez d’inscrire la mention « pour mémoire » en face de cette immobilisation incorporelle, et vous ne pourrez rien déduire ; - soit vous décidez d’amortir cette acquisition en mode linéaire sur 10 ans, et déduirez ainsi chaque année 8 000 € de votre résultat fiscal durant les années 2023 à 2032 inclus. Inutile de vous conseiller sur la conduite à tenir…

Attention au formalisme juridique

Afin de bénéficier de la mesure dérogatoire, il est indispensable que le formalisme juridique de base ait été appliqué : 1/Lors de l’acquisition : un acte de cession individualisant parfaitement les éléments incorporels acquis, leur prix et leur origine, dûment enregistré à la recette des impôts concernée. Notre avertissement : si vous avez utilisé un contrat type de l’Ordre des médecins pour votre cession et que vous vous êtes contenté de le transmettre à votre Ordre sans le faire enregistrer fiscalement, inutile d’espérer utiliser la mesure. 2/Lors d’un apport, nous attirons encore plus votre attention sur la nécessité d’un acte d’apport certifié par un commissaire aux apports. 3/Attention aux acquisitions de patientèle qui n’en sont pas, même si elles ont donné lieu à un authentique paiement aux cédants ! Nous rencontrons souvent le cas dans les structures type « Médecine d’urgence à domicile », ou groupements de praticiens en sociétés de fait (SDF) dont les patientèles sont juridiquement et fiscalement indivises (groupements d’anesthésistes par exemple).

Attention à la mesure anti-abus 

L’administration fiscale a mis en place le 21 décembre 2022 un dispositif « anti-abus » visant la mesure dérogatoire et temporaire sur deux points principaux : 1/Entre le 1er janvier et le 17 juillet 2022, la mesure dérogatoire d’amortissement ne peut s’appliquer que dans le cas où « l’opération n’a pas été réalisée pour des motifs exclusivement ou principalement fiscaux ». 2/À partir du 18 juillet 2022, la mesure dérogatoire ne peut s’appliquer que dans le cas où l’acquéreur n’est pas lié au cédant au sens du point 12 de l’article 39 du CGI, ou encore n’est pas placé sous le contrôle de la même personne physique que le cédant (passage en société, holding), le tout étant encadré par des conditions précises et strictes que nous ne pouvons développer dans un tel court article d’initiation.

Un avis, une question Vous pouvez contacter l'auteur à plamperti@media-sante.com


Source : Le Quotidien du médecin