DE NOTRE CORRESPONDANT
BIEN QUE LÉGÈREMENT excédentaire, l’assurance-maladie allemande, dont les dépenses se sont élevées à 160 milliards d’euros l’an dernier, ne parvient plus, selon les médecins, à financer l’ensemble des dépenses nécessaires à la santé des 82 millions d’habitants du pays. Faut-il, dès lors, « organiser le rationnement » et définir des priorités de soins ? C’est ce qu’estime l’Ordre des médecins, alors que le gouvernement rejette catégoriquement toute solution de ce type.
Le sujet, en tout cas, a largement dominé les débats lors du 112e congrès annuel des médecins allemands, qui vient de se tenir à Mayence, a été largement dominé par les questions du « rationnement », qui se traduit en particulier par l’allongement des listes d’attente pour certaines interventions et le manque de personnel qualifié dans les hôpitaux mais aussi par les contrôles de plus en plus stricts pratiqués sur l’activité des médecins et leurs prescriptions. Pour le président de l’Ordre des médecins, le Pr Jörg Dietrich Hoppe, ce n’est pas aux médecins de définir, individuellement, des ordres de priorité pour les traitements. Estimant que le système de santé est « au bord de l’implosion », le Pr Hoppe plaide pour la création d’un « conseil national de la santé » qui réunirait des médecins, des juristes, des éthiciens et des responsables politiques pour élaborer des principes directeurs dans ce domaine, tout en lançant un vrai débat public sur ce qui doit être pris en charge par l’assurance-maladie et ce qui doit l’être directement par les patients.
De plus, alors que le gouvernement envisage la rédaction d’une nouvelle loi sur les droits des malades, l’Ordre juge que ceux-ci sont déjà suffisamment bien protégés par les législations actuelles, et que, si l’on veut parler de droits, c’est l’accès aux soins sans rationnement qu’il faut aborder. Il est temps, selon l’Ordre, de mettre en place dans le pays une « vraie politique de santé », y compris en terme de prévention et de santé publique.
Exaspération.
Pour le gouvernement au contraire, il n’y a pas de problème ni même de risque de rationnement des soins en Allemagne. Les pouvoirs publics assurent que « tous les traitements continueront à être financés », et considèrent que les médecins font de la surenchère, à quelques mois des élections législatives de septembre prochain. Les échanges très vifs entre les médecins et le gouvernement, pendant ce congrès annuel qui réunit, à travers 250 délégués élus, la totalité des 319 600 médecins en exercice en Allemagne, ont révélé une fois de plus l’exaspération du corps médical face à la dégradation de sa situation. Ce sont d’ailleurs, note l’Ordre, « les médecins libéraux conventionnés qui ont été les plus grands perdants de toutes les politiques de santé menées depuis une vingtaine d’années maintenant ».
Plusieurs autres recommandations et résolutions adoptées pendant le congrès, et portant notamment sur la remise en cause croissante du statut de « professionnel de santé libéral » ou sur les difficultés rencontrées dans la prise en charge des traitements des malades handicapés ont montré, là aussi, la grande lassitude des médecins face aux contraintes administratives et économiques toujours plus lourdes.
Une part croissante des 250 délégués estime d’ailleurs que le système « conventionnel » régissant actuellement les rapports entre les médecins et les caisses n’est plus viable, et réclame une remise à plat totale de l’organisation de la santé. Néanmoins, l’Ordre reste malgré ces critiques, attaché à la poursuite du dialogue avec les pouvoirs publics et rejette toute « rupture » avec ces derniers.
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