Après le bras de fer avec les généralistes, c'est un deuxième front pour l'Assurance-maladie, cette fois avec les praticiens de bloc opératoire au premier rang desquels les chirurgiens libéraux. La semaine dernière, l'Union des chirurgiens de France (UCDF, organisation majoritaire, membre fondateur du syndicat Le Bloc en 2010) a alerté sur la situation « critique » de la chirurgie, qui subit un effet ciseaux entre la forte hausse des charges et le blocage de la nomenclature des tarifs chirurgicaux. Un coup de pression dans la dernière ligne droite des négociations en vue de la nouvelle convention, qui doivent s'achever au 28 février.
Coût de la pratique figé
Alors que la pandémie a laissé des traces sur le chiffre d'affaires, le Dr Philippe Cuq, président de l'UCDF, réclame un plan « d'urgence » de valorisation de l'exercice chirurgical. À défaut, menace-t-il, l'ensemble des chirurgiens libéraux pourraient reprendre leur liberté d'honoraires en quittant les contrats de modération tarifaire (Optam-co, option choisie par la moitié des chirurgiens éligibles) pour retrouver le secteur II classique avec à la clé une « augmentation des tarifs chirurgicaux en 2023 et donc du reste à charge pour les patients ».
L'UCDF met en avant la croissance « indiscutable » du coût de l'exercice chirurgical. « Nous faisons face à une inflation continue des coûts – charges salariales, RCP, redevances, matériel, énergie, a énuméré le Dr Cuq. À chaque fois, c'est +5 %, +10 % En face, on subit des tarifs bloqués souvent depuis 2005, voire depuis les années quatre-vingt-dix. C'est intenable. »
Dans ce contexte, les perspectives lointaines (2024, voire 2025) de refonte de la CCAM technique (suppression des actes obsolètes, inscription des actes innovants, nouvelle hiérarchisation) grâce au travail du Haut conseil des nomenclatures (HCN), ne rassurent pas les chirurgiens du privé. « Il y a une inertie de la technostructure qui ne correspond absolument pas à la réalité de l'évolution de l'exercice chirurgical et de l'innovation », martèle le Dr Cuq, qui cite des « interventions à 100 euros », des « anesthésies à 46 euros » mais, à l'inverse, des consommables robotiques « à 1 000 euros par intervention »...
Optam, marché de dupes ?
De surcroît, les chirurgiens accusent les complémentaires santé, réunis au sein de l'Unocam, de ne « pas avoir joué le jeu » lors de la mise en place des options de pratique tarifaire maîtrisée (Optam et Optam-co pour les chirurgiens et obstétriciens), lors de la convention de 2016. « Nous subissons toujours un déficit historique dans le remboursement des compléments d'honoraires chirurgicaux par les complémentaires santé », résume le Dr Cuq. Pour l'UCDF, « l'Unocam n'a pas été un partenaire fiable et n'a pas rempli son rôle ». Et le plafonnement des remboursements des dépassements dans le cadre des contrats complémentaires dits responsables (aidés fiscalement) a contribué à ce « carcan » des tarifs chirurgicaux.
Sur ces bases, l'UCDF réclame un « accord tripartite » qui engagerait la profession et les deux « financeurs » (régime obligatoire et complémentaires) afin de solvabiliser les tarifs chirurgicaux réévalués de façon à « assurer le bon fonctionnement des blocs opératoires », tout en « baissant le reste à charge en chirurgie ».
Pour le syndicat, l'augmentation des tarifs opposables passe dans l'immédiat par la revalorisation significative des modificateurs existants J (+6,5 %) et K (+20 % pour les signataires de l'Optam-co). L'UCDF juge aussi indispensable de mieuxn rémunérer les astreintes, les gardes, le travail nocturne et la pénibilité, autant de sujets prégnants au bloc opératoire.
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