Généralistes (-1,5 %), dermatos (-7,3 %), ophtalmos (-7,9 %), radiologues (-8,1%)...: à de rares exceptions, les revenus 2020 des médecins libéraux sont en baisse significative, selon le bilan fiscal des associations de gestion agréées (AGA) de l'UNASA, que révèle « Le Quotidien ». La chute de l'activité dans les cabinets lors du premier confinement et l'absence de revalorisations expliquent ces revers de fortune. Les allègements de charges et l'indemnisation de la CNAM pour perte d'activité n'amortissent que partiellement la situation financière.
Ce n'est pas une surprise mais le choc est rude. Même si elle est inégale selon les disciplines, la chute d'activité, et donc de recettes, consécutive à la crise du Covid se traduit in fine par un exercice 2020 médiocre, voire mauvais, pour les BNC des médecins libéraux.
Établis sur la foi des déclarations d'impôts, les premiers chiffres des revenus attestent que 2020, année zéro de la pandémie, a été financièrement très défavorable à la médecine de ville. En effet, l'analyse par spécialité des déclarations 2035 des adhérents de l'UNASA (Union nationale des associations agréées) illustre à quel point le Covid a plombé l'économie des cabinets, avec une activité en berne pendant des mois et parfois à l'arrêt complet ! Il faudra attendre les statistiques définitives et les résultats consolidés du dispositif d'indemnisation pour perte d'activité (Dipa) – y compris les régularisations intervenues en 2021 – mis en place par l'Assurance-maladie pour apprécier le bilan fiscal complet sur deux ans.
Le bouillon pour (presque) tout le monde
En attendant, alors que les généralistes s’en sortaient correctement en 2019 (avec un bénéfice en hausse de 3,7 %), leurs revenus imposables baissent cette fois de 1,5 % (leurs recettes diminuant même de 3,5 %). C'est pire pour les autres spécialistes où l'on découvre des dégringolades dans presque toutes les disciplines, qu'il s'agisse aussi bien des chiffres d'affaires totaux que du BNC imposable (voir nos deux graphiques), à l'exception notable des biologistes médicaux dont les résultats sont dopés par les tests Covid (+6,3 % l'an passé).
Le plongeon n'épargne donc presque personne mais l'érosion du revenu est particulièrement marquée chez les rhumatologues (-6,2 %), les dermatologues (-7,3 %), les ORL (-7,4 %), les ophtalmologistes (-7,9 %) et les radiologues (-8,1 %). La contre-performance est d'autant plus significative qu'elle fait suite à un exercice 2019 qui s'était déjà soldé dans le rouge pour 14 spécialités.
Coup de frein sur l'activité médicale
Pour 2020, ce revers de fortune est tout entier attribuable à la pandémie qui a grippé l’activité dans les cabinets et les cliniques dans des proportions inimaginables, surtout lors du premier confinement très strict. Rendez-vous reportés ou annulés, patients qui refusent de consulter, déprogrammations : la première vague épidémique du printemps 2020 s'est traduite par une chute d’activité moyenne de 40 % chez les généralistes et de 60 % chez les autres spécialistes, avec des baisses pouvant dépasser 80 % chez certains praticiens. Fin 2020, près des deux tiers des libéraux de santé estimaient que leur chiffre d'affaires avait été durablement impacté par la crise.
Ce repli s’est traduit mécaniquement dans les dépenses de l'Assurance-maladie. Lors de son bilan annuel à fin décembre, la CNAM confirmait la réduction nette des postes de remboursement en médecine de ville pour 2020 : -6,1 % sur les soins de médecine générale (-4,1 % en intégrant les avances Dipa pour perte d'activité) ; et -6,7 % pour la médecine spécialisée (-4,2 % y compris avances Dipa). Les compensations distribuées par la Sécu — une aide qui est fiscalisée au demeurant — n’ont donc pas permis de sauver l’année même si, dans nos colonnes, le directeur de la CNAM a mis en avant l'ampleur de ce soutien : 540 millions versés, soit en moyenne 7 000 euros par praticien.
Une année sans revalos
Outre cette activité en berne (que n'a pas contrebalancé l'explosion de la téléconsultation), les praticiens de ville ont subi une panne de revalorisations. Aucune avancée significative de nomenclature n'est venue éclaircir leur horizon en 2020, alors que l'exercice précédent avait vu l'éclosion de quelques nouvelles consultations complexes et majorations ciblées.
Pour les généralistes, des mesures temporaires — en lien avec la crise — ont certes été enregistrées au fil de l'année. Téléconsultations par téléphone (sans vidéotransmission), majoration MIS de 30 euros lors de l'annonce d'un Covid dans le cadre du contact tracing, rémunération des tests PCR, consultation de prévention pour les publics vulnérables : mais ces évolutions n'ont pas modifié la tendance budgétaire baissière de 2020.
Quant aux rémunérations forfaitaires, certes en hausse, elles n'ont pas permis non plus de sauver les meubles alors que l'activité était en chute libre. La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP 2019), versée au printemps 2020, avait procuré aux 55 000 généralistes et MEP une prime moyenne de 4 820 euros, soit une centaine d'euros de plus que lors de l'exercice précédent. En mai, le forfait structure moyen versé aux généralistes avait atteint 3 661 euros, dopé par l'augmentation du nombre de points.
Des remises de charges qui limitent la casse
Seule éclaircie, les charges ont moins pesé l'an passé sur la plupart des spécialités. Cela tient aussi à la pandémie ! Ainsi, l'Ursaaf a-t-elle accordé des reports de cotisations aux indépendants, dont le secteur médical a bénéficié. Mais pas suffisamment pour rétablir la courbe des revenus. Cela se traduit néanmoins dans les comptes des cabinets médicaux, avec une baisse moins marquée des BNC que des recettes totales, signe que les charges ont diminué.
C'est le cas pour les généralistes qui ont converti 59,6 % de leurs recettes en revenus l'an passé, soit nettement mieux qu'un an plus tôt (57,9 %). La même observation peut-être faite partout puisque la quasi-totalité des disciplines affichent des évolutions de recettes très négatives (jusqu'à -11 %). Anesthésistes, radiologues, gastro-entérologues, rhumatologues, ORL ou encore ophtalmos ont ainsi fait une année exécrable sur ce plan, avec des baisses de CA comprises entre 8 et 10 % ; mais le BNC est, proportionnellement, un peu moins affecté.
L'embellie en 2022 ?
Après cette année sans, l'avenir sera-t-il plus souriant ? Voire. L'exercice 2021 devrait être meilleur côté recettes, car le troisième confinement ne semble guère avoir pénalisé les libéraux de santé. Mais la véritable embellie ne se produira sans doute pas avant 2022. En effet, il faudra attendre cette échéance pour ressentir les effets des revalorisations de l'avenant n° 9 signé cet été pour les praticiens concernés (visites gériatriques, avis d'expert, spécialités cliniques). Et côté charges, attention ! Les « largesses » de l'Urssaf s'analysent plutôt comme un sursis. Le paiement de cet arriéré de cotisations – en même temps que celui des cotisations courantes – pourrait même entraîner pour certains de nouveaux problèmes de trésorerie.