Face à la crise générale de l'accès aux soins, les maires tentés par les mesures contraignantes, mais pas seulement

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Publié le 23/06/2022
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Crédit photo : PHANIE

Alarmée par les fermetures totales ou partielles de services hospitaliers et les difficultés d’accès aux soins sur tout le territoire, l’Association des maires de France (AMF) a fait part mercredi de ses propositions face à la crise, en soulignant la tentation de solutions volontaristes qui monte chez les édiles, face à la détresse de leurs administrés. Des propositions transmises au Dr François Braun, en charge d'une mission flash sur les urgences et les soins non programmés.

Une dose de contrainte

Sur la liberté d'installation des médecins, Frédéric Chéreau, co-président de la commission santé de l’AMF, observe que « les lignes bougent » dans un sens plus directif. Pour le maire de Douai (Nord), il y avait encore il y a quelques années « un consensus au sein de l'AMF pour dire "non, pas trop de contraintes" ». Mais aujourd'hui, pointe-t-il, « le discours favorable à la contrainte monte » chez les élus locaux.

Si Frédéric Chéreau admet que la régulation n’est « sans doute pas la solution parfaite », il estime toutefois que les maires doivent être « volontaristes » pour trouver des « solutions face à une situation qui se dégrade ». Selon lui, il faut comprendre pourquoi certains médecins de ville ne souhaitent pas participer à la permanence des soins mais aussi chercher des leviers financiers pour que « la médecine de ville y prenne davantage sa part ».

La visite oui, la télémédecine sous conditions

Régulièrement présentée comme une arme contre les déserts médicaux, la télémédecine n’est pas la solution miracle pour le maire de Douai, puisqu'une « bonne partie de la population souffre d’illettrisme ou d’illectronisme ». Et de citer une étude de l’Insee, selon laquelle un tiers des Français a renoncé à effectuer ses démarches administratives en ligne en 2021. Les maires sont néanmoins favorables aux consultations à distance mais « dans un bouquet de solutions », à condition qu’elles bénéficient d’un « accompagnement », comme par exemple « mettre un infirmier à côté d’une mallette pour communiquer avec un médecin à distance ».

Mesure clairement privilégiée en revanche : la revalorisation de la visite à domicile, défendue de longue date par SOS médecins. « Pour les patients âgés, c’est une solution très pertinente qui permet d’éviter les hospitalisations », juge Frédéric Chéreau.

Pharmaciens référents ?

L’AMF propose ensuite de « décharger » les praticiens libéraux d'un maximum de leurs tâches administratives pour dégager du temps médical. Mais pas seulement : les maires défendent aussi une redéfinition des périmètres de compétences entre professionnels de santé. « Il n’est peut-être plus tabou de dire que certains actes médicaux peuvent être demain réalisés par des infirmiers de pratique avancée », avance le co-président de la commission santé de l’AMF.

Le rôle croissant des officinaux, dont le maillage territorial a fait ses preuves, est aussi évoqué. « Est-ce scandaleux d’imaginer que l’on puisse proposer aux pharmaciens d’être les référents médicaux des personnes qui sont globalement en bonne santé ? » Pour le maire de Douai, la délégation de tâches permettrait de mieux répartir la charge de travail, si bien que les médecins pourraient « se concentrer sur les patients les plus lourds, les plus complexes, les actes médicaux les plus importants »

CPTS, hôpital : plus de pouvoir aux maires !

Pour l'AMF surtout, les maires ne doivent plus seulement être consultés en matière de santé, mais bien être « à la manœuvre », à leur niveau. De fait, la pandémie a montré que « nous avons besoin d’une complémentarité entre un État aménageur à l’échelle nationale et des maires qui assurent le dernier kilomètre, mieux que n’importe quel autre acteur pourra le faire », plaide le maire de Douai.

Signe de ce volontarisme des édiles, Frédéric Chéreau aimerait revenir aux conseils d’administration dans les hôpitaux, remplacés par des conseils de surveillance. Une mesure qui pourrait « redonner un vrai pouvoir de décision au maire et aux membres du conseil d’administration ».

Autres pistes : donner aux maires un siège obligatoire dans les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) ou permettre à chaque territoire d'organiser un conseil local de santé « avec des moyens suffisants abondés par l’État ». Et pour ne pas fragiliser davantage l'offre de soins, l'AMF souligne l'importance du maillage des hôpitaux locaux dans les zones rurales. Là encore, « l'avis des maires doit être requis et concerté avant toute fermeture de service hospitalier public ».

 


Source : lequotidiendumedecin.fr