« Les jeunes ne veulent plus s’installer », « le médecin de campagne est mort », « la contrainte est un remède miracle » : alors que les propositions coercitives ont fleuri pendant la campagne présidentielle, les jeunes confrères entendent combattre les idées reçues, notamment sur la régulation à l’installation « une fausse bonne idée ».
Dans un document d’une vingtaine de pages corédigé par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) et le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir), les fédérations de jeunes ambitionnent de « déconstruire les clichés de l’accès aux soins ».
De fait, pour les juniors, face à la pénurie médicale – mal anticipée depuis des décennies – la coercition relève davantage de la « facilité politique » que d’une solution durable. « La plupart des politiques pensent avoir la solution idéale en contraignant les médecins à s’installer ou à réaliser un service forcé en zone sous-dotée afin de répondre à l’urgence. Or, la solution n’est ni simple, ni unique », taclent les jeunes praticiens.
Répartition inégale, racines profondes
Le constat est connu. Avec les départs massifs à la retraite des médecins baby-boomers, l'arrivée des jeunes généralistes ne suffit plus à compenser les « sorties » de leurs aînés. Conséquence, le contingent d'omnipraticiens (notamment libéraux exclusifs) est en diminution depuis 2012 alors que celui des médecins spécialistes augmente. Or, expliquent les syndicats de jeunes, plutôt que de pointer la responsabilité de la profession, c'est d'abord le manque d'attractivité de la médecine générale qui est la cause des difficultés démographiques (tous les postes de cette spécialité n'ayant été pourvus aux ECNi que depuis 2020). « Dans un contexte de pénurie de médecins, les obliger à aller dans les zones sous-dotées revient à "déshabiller Pierre pour habiller Paul” », recadrent les jeunes.
Les disparités géographiques sont également criantes, certaines régions françaises restant très attractives comme le Midi, la Gironde ou les Alpes-Maritimes. Mais là encore, vouloir changer les règles du jeu d’un coup de baguette magique relève du fantasme, objectent les jeunes, alors que l'inégale répartition est un fait ancien, pas uniquement français, et qui relève d'abord de problématiques d'aménagement du territoire (accès aux services publics, emploi, logement, etc.).
Image d'Épinal
Autre idée reçue : les jeunes généralistes ne veulent plus s’installer. « Faux », répliquent leurs structures représentatives, soulignant que 82 % des internes de médecine générale envisagent en réalité une installation à court ou moyen terme, selon l’enquête SASPAS menée par l’Isnar-IMG en 2020. De fait, 79 % des remplaçants avaient un projet d’installation entre six mois et cinq ans, selon une étude de Reagjir.
« Le médecin de famille, figure emblématique du village, corvéable à merci, est une image d'Épinal régulièrement agitée devant “l'ingratitude” de la nouvelle génération », déplorent les fédérations. Or, cette nouvelle génération ne refuse aucunement de travailler (y compris en libéral) mais elle aspire seulement « à trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, à avoir accès à des services publics, tout comme la population générale ». « On ne peut décemment reprocher aux médecins d’aujourd’hui de ne vouloir travailler "que" 50 heures par semaine quand la majorité de la population travaille 35 heures », argumentent les jeunes. Ils rappellent que les médecins de plus de 50 ans passent en moyenne, chaque semaine, cinq heures de plus que leurs cadets auprès des patients, chiffre stable depuis 2014.
Le modèle infirmier ? Pas si simple…
Régulièrement cité par les partisans de la coercition, le « zonage » conventionnel des infirmières diplômées d’état (IDE) n'est pas non plus la panacée, expliquent les jeunes médecins. Cet encadrement « limite les installations en zones surdotées mais profite surtout aux zones intermédiaires », relèvent les jeunes. Selon des données de la Drees, « ces mesures de régulation n’ont pas eu d’effet sur les déserts infirmiers (…) et la majorité des nouvelles installations a lieu en périphérie des zones surdotées au niveau infirmier et non pas dans les zones très sous-dotées ».Même constat pour les sages-femmes et les kinés, également soumis à une régulation à l’installation, précisent les jeunes. Ces derniers ne mentionnent pas en revanche les pharmaciens, dont le maillage officinal a fait ses preuves grâce à une forme de carte sanitaire.
Solutions
Quant au conventionnement « sélectif » avancé par certains, il s'agirait en réalité d'un facteur de déconventionnement risquant de créer « une médecine à deux vitesses, permettant aux plus aisés d’accéder rapidement aux soins alors que les plus démunis devraient se répartir encore sur une plus petite proportion de médecins », alertent les jeunes.
A rebours des solutions jugées simplistes et contreproductives, les fédérations d’internes et de jeunes médecins conseillent plutôt de former davantage à la gestion du cabinet, de faire connaître les aides à l’installation, de doubler le nombre d’enseignants généralistes ou de diversifier davantage les profils des carabins. « Aux États-Unis, les étudiants issus de milieux ruraux sont la cible de politiques incitatives depuis de nombreuses années, illustrent les organisations. L’Australie en a même fait le cœur de sa stratégie, en imposant aux facultés de médecine un objectif de 25 % d’étudiants d’origine rurale ! ».
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