Le patron du labo Physiomer débarqué en 5 minutes, les salariés se mettent en grève

Publié le 15/04/2016

Cent-trente salariés en grève pour soutenir leur patron : le mouvement, inhabituel, a éclaté à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) après la révocation d'Olivier Bertaud, débarqué en cinq minutes par son actionnaire américain de la présidence du Laboratoire de la mer, spécialiste de la solution nasale à base d'eau de mer.

Klaxons, cornes de brume, barrage filtrant. Devant le siège du pulvérisateur Physiomer, des dizaines de salariés manifestent dans une ambiance bon enfant depuis qu'Olivier Bertaud, fils du fondateur de l'entreprise, a reçu mardi la visite de deux représentants de Perrigo, le groupe américain devenu indirectement propriétaire du laboratoire fin 2014.

« Je n'étais pas alarmé », raconte le président débarqué du Laboratoire de la mer, rappelant que son entreprise dégage depuis des années une croissance à deux chiffres et a encore augmenté son chiffre d'affaires de 35 % au premier trimestre.

 

Cinq minutes pour déguerpir

 

La conversation avec les envoyés de la maison mère est brève. « Sans aucune introduction, on me dit : “Nous lançons une restructuration du Laboratoire de la mer pour une intégration totale dans le groupe Perrigo, ton poste est supprimé”, a témoigné Olivier Bertaud, 49 ans. Je leur ai demandé si je pouvais prévenir mon équipe rapprochée, ils m'ont dit : “Oui, tu as cinq minutes, et après on te demande de quitter l'entreprise”. »  

« Je suis monté dans ma voiture extrêmement choqué, témoigne l'ancien dirigeant de l'entreprise familiale vieille de 25 ans. J'ai demandé qui avait pris une telle décision et comment on pouvait la prendre sans connaître l'entreprise. Ils n'ont pas jugé nécessaire de donner une quelconque explication. »

Aussitôt après, une équipe d'une douzaine de personnes pénètre au siège de la société afin de préparer sa restructuration : elle doit désormais être dirigée depuis l'Irlande, où Perrigo, fabricant de médicaments génériques, est immatriculé.

Mais l'équipe se heurte à la mobilisation des 130 salariés de l'entreprise, qui cessent le travail. Les représentants de Perrigo tentent d'apaiser les esprits en assurant aux salariés qu'ils n'ont pas l'intention de supprimer de postes.

« Je n'en crois pas un mot, confie le patron. Si on transfère des services en Irlande, c'est forcément que des emplois vont être transférés. »

 

Des « mercenaires »

 

Olivier Bertaud, qui dénonce « une dureté terrible envers les employés », revient sur place mercredi après-midi pour rencontrer les salariés. « Il y avait tous ces employés qui étaient là, qui m'ont applaudi et qui attendaient que je fasse quelque chose », raconte-t-il, la voix brisée par l'émotion.

L'homme décide alors de rentrer dans la société, où il s'en prend aux représentants de Perrigo, qu'il traite de « mercenaires », et menace de mettre à la porte en expliquant qu'il reste techniquement président de l'entreprise. Temporisant, ces derniers acceptent d'organiser pour le lendemain un rendez-vous avec un dirigeant du groupe, sur quoi Olivier Bertaud appelle les salariés à rentrer chez eux.

Peu après, les hommes de Perrigo brandissent une feuille attestant qu'Olivier Bertaud n'est plus président de son entreprise. Ce dernier obtient de pouvoir repasser dans son bureau pour récupérer effets personnels, « des dessins de mes enfants », précise-t-il, avant d'être sorti de son entreprise manu militari. Aucun rendez-vous n'a lieu jeudi avec la direction de Perrigo.

 

130 familles en danger

 

« Je crois aux miracles », assure cependant Olivier Bertaud, qui « espère dans le fond de (son) cœur que les salariés vont tenir ». Selon lui, Perrigo « n'a pas réalisé ce qu'était la culture des pays dans lesquels il opère », particulièrement la France.

Devant la société, entre deux pancartes appelant à « sauver l'emploi breton » ou évoquant « 130 familles en danger », Jordan Marchand s'alarme. « Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'à terme des emplois soient délocalisés et qu'on perde cet esprit familial qui fait la force du laboratoire », résume ce chargé de projet.

Avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr