LE QUOTIDIEN - Vous venez d’être reconduit à la tête de la CARMF. Quelle est votre priorité ?
DR GÉRARD MAUDRUX - Je suis très préoccupé par les charges absolument excessives pour les bas revenus. Si vous faites quinze jours de remplacement, vous avez des charges supérieures aux revenus! C’est impensable. Il y a aussi tous les médecins qui ont des petites activités et les femmes à temps partiel qui subissent des charges impossibles uniquement à cause de la part forfaitaire de l’ASV, très pénalisante. Ce système fait fuir les retraités qui voudraient cumuler, il fait fuir les bas revenus, les remplaçants... Il faudrait abattre cette cotisation de façon progressive. Je ne comprends pas ce blocage.
Quel bilan tirez-vous de la récente réforme de l’ASV qui prévoit une hausse progressive des cotisations et une baisse des pensions? L’opération "sauvetage" saluée par la plupart des syndicats est-elle crédible?
Non, ce sauvetage de l’ASV n’est absolument pas crédible. Les projections des syndicats et de la caisse ont été manipulées. Les chiffres retenus incorporent le passage à 67 ans de la retraite à taux plein mais sans l’assumer. Sur le fond, ce n’était pas la réforme que je souhaitais. La fermeture du régime ASV était moins coûteuse, plus honnête. Cette réforme est un contrat de dupes, une fuite en avant. Rendez-vous compte : les deux tiers du financement de l’ASV (par l’assurance-maladie) peuvent être remis en cause chaque année, avec du chantage, des contraintes supplémentaires. Ce sont les seules négociations conventionnelles qui fixent la participation des caisses. À chaque fois, les médecins abandonnent un peu plus ! Je le redis : les promesses ne seront pas tenues, les médecins toucheront beaucoup moins...
Selon les derniers chiffres de la CARMF, la retraite moyenne s’établit à 2 639 euros par mois au deuxième trimestre 2012, en hausse de 1,9 % par rapport au 1er trimestre. Vous êtes inquiet pour la suite ?
Oui. Pour la première année depuis 60 ans, il y aura sur l’ensemble de l’année 2013 une baisse du montant moyen de la pension à cause de la valeur du point de l’ASV qui passe de 15,55 euros à 13 euros, qui n’est pas compensée par les augmentations des autres régimes - base et complémentaire. C’est historique. En 2012, la pension sera tout juste stable, et encore.
Avant l’été, MG France a affirmé que le régime complémentaire de retraite (géré par la CARMF) serait en faillite en 2031. Une pierre dans votre jardin ?
C’est une polémique inutile. La CARMF a toujours eu une gestion prudente pour éviter des déboires aux confrères. Il faudra faire quelques ajustements. Nous avons 8 à 10 % à récupérer sur ce régime, soit via une hausse des cotisations, soit via une baisse des retraites, soit un peu des deux, soit le passage à temps de 65 à 67 ans. Je ne propose pas de solution toute faite, je demanderai aux confrères ce qu’ils veulent. Une consultation est prévue sur le régime complémentaire. Il y a un effort pour passer le cap...2031/2032.
Vous êtes à la tête de la CARMF depuis 1997. Comment jugez-vous votre bilan sur quinze ans ?
Les confrères qui m’ont reconduit apprécient chez moi la vérité du propos. Quand c’est désagréable, je leur dis. Mais quand je fais le bilan sur quinze ans, je ne suis pas très satisfait. Beaucoup de médecins me disent : "sans toi, ça aurait été pire!" Je suis quand même déçu. J’ai réussi à bloquer la fuite en avant financière du régime complémentaire mais je n’ai pas réussi à le faire pour l’ASV. Quant au régime de base, en cessation de paiement, c’est un autre problème dont personne ne parle. En 2013, c’est 15 % d’augmentation pour couvrir une année au titre de la compensation nationale (1). Là aussi, il y a une réforme à faire.
(1) La compensation nationale est un mécanisme de solidarité financière entre les différents régimes de retraite de base.
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