Par Céline Santran
Je souris en repensant à notre arrivée à Moscou. La journée avait bien commencé : découverte de la Place Rouge, du Kremlin, les chants russes et la vodka servie dans des cahutes en bois, bref, un dépaysement des plus salvateurs. Et puis, en fin de matinée, une rencontre marquante. Des agents de police – long manteau, gros ceinturon et mitraillette en bandoulière –, dans le quartier du Kremlin comme partout ailleurs dans la ville, il y en a à peu près autant que d'amateurs de vodka pure dans le pays… Ces mecs-là, ils ont dû être clonés dans des laboratoires secrets. Ils ont tous, invariablement, le même regard torve et menaçant du doberman méfiant. Je vous laisse deviner qui se retrouve, ce matin-là, dans le rôle du chihuahua…
Un Cerbère en chef et ses acolytes nous barrent donc la route et nous demandent nos passeports. En lectrice bête et disciplinée, j'ai fait comme « M. Routard » l'a écrit : j'ai laissé mon passeport chez les hôtes qui nous hébergent. Mon mari dégaine alors son arme secrète : il sort, tout fier, de son sac, la photocopie de son passeport. Le bide total. Je n'ai pas mon passeport, le Cerbère en chef m'assène dans un anglais aux accents de torture que j'ai commis un crime d'État et que nous allons devoir les suivre au poste. Ça aussi, je l'ai lu dans mon guide préféré : ne jamais, ô grand jamais, se laisser tenter par la visite d'un commissariat russe…
La technique est classique, et le rouleau compresseur bien huilé. Quelques minutes, longues et interminables à mariner dans le froid, et quatre-vingts euros plus tard, la délivrance : le Cerbère nous dévoile alors une rangée de dents blanches, nous remercie, et nous dévoile ce qui devrait nous permettre de nous déplacer librement :
— Dorénavant, vous pouvez vous promener sans problème dans tout le quartier du Kremlin ! Si vous rencontrez un autre policier, dites-lui que vous avez déjà vu Sergueï, il comprendra… C'est ça, et Joyeux Noël aussi…
En tout cas, cette excursion pittoresque chez les Soviets a eu le mérite de me changer les idées… Cette première FIV était tout ce qu'il y a de plus classique : après avoir recueilli les ovocytes arrivés à maturation ainsi que le sperme de mon conjoint, le biologiste les avait mis en présence dans une éprouvette, laissant aux plus vivaces des spermatozoïdes le soin de batailler ferme pour parvenir à pénétrer puis féconder un ou plusieurs ovules.
Mais pour la deuxième tentative, je suis passée à la vitesse supérieure en expérimentant la Rolls Royce des fécondations in vitro : la FIV ICSI, technique la plus avancée qui existe actuellement. Après ça, il ne me restera plus que la flambée de cierges à Lourdes…
C'était le mois dernier. La FIV ICSI, pas Lourdes.
Les premières prises de sang s'avèrent catastrophiques. Au onzième jour de stimulation, je n'ai même pas atteint le taux de Béta Oestradiol que j'avais au troisième jour du processus lors de ma première FIV. Le matin du douzième jour, c'est le moral dans les chaussettes que je retourne à la clinique pour décider ou non de l'arrêt des stimulations et du protocole. Un seul ovocyte dans un ovaire, deux dans l'autre, d'aucuns diraient qu'il serait vain de s'acharner. Je repense à la quinzaine d'ovocytes de mes copines internautes, et j'agonise. Mon Dr House, lui, reste concentré. Il plisse le front, retrousse le nez et réajuste ses lunettes :
— Quand même, ils ont une très belle taille. Ça pourrait faire un ou deux embryons viables, qui sait… mmmh… Allez, on continue…
Prochain (et dernier) épisode dans notre édition du 24 novembre
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