À 43 ans, le Dr Frédéric Villebrun, médecin généraliste en centre de santé à Champigny-sur-Marne, également vice-président du Collège de la médecine générale, prend la tête de l’Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS). Il succède au Dr Éric May, président depuis 14 ans. Il souhaite que les centres de santé trouvent leur place dans le discours des pouvoirs publics, au même titre que les autres structures coordonnées.
Quelles sont les priorités que vous souhaitez porter pour les centres de santé en tant que président de l’USMCS ?
« Globalement, nous avons une écoute bien meilleure depuis quelques années. Nous sommes davantage impliqués sur les différents sujets mais nous sentons malgré tout une résistance à aller plus loin. Nous avons l’impression d’être encore éloignés de la préoccupation nationale au niveau de la désertification médicale. On entend surtout parler des MSP et des libéraux. Bien sûr, les collectivités locales et les gestionnaires font beaucoup pour la création de centres de santé mais le portage par les ARS, le ministère ou l’assurance maladie reste trop peu investi. Avec la crise sanitaire, nous avons vu l’intérêt de l’exercice coordonné pour répondre à la crise mais avec l’USMCS nous avons le souhait d’aller plus loin et de voir la création d’un service public territorial de santé ».
Qu'entendez-vous par service public territorial de santé ?
« Avant la loi Touraine en 2016, ce terme avait été lancé mais malheureusement nous n’étions pas allés au bout de la réflexion et nous étions arrêtés à la CPTS. Ces communautés de professionnels sont intéressantes mais ne sont pas suffisantes en termes d’offres de soins au niveau ambulatoire. Tout comme nous avons un service public à l’hôpital, nous avons encore une étape à franchir en ville avec la création d'un service public territorial de santé. Cela peut être compliqué à faire entendre à nos collègues libéraux, mais en réalité c’est une assurance aussi pour eux d’avoir une stabilité de l'offre de soins. Et pour les patients, d’avoir un minimum garanti sur tous les territoires. Ce n’est pas parce qu’on aura un centre de santé qu’il n’y aura aucuns libéraux. Au contraire, cela permettra un terreau favorable à l’implantation de libéraux qui seraient moins enclins à s’installer sur des territoires où il n’y a absolument plus rien. Le gouvernement a insisté sur l’importance d’avoir des CPTS qui maillent le territoire, nous pensons que parallèlement il est important aussi d’avoir un maillage de centres de santé avec au moins un centre par CPTS ».
Est-ce que la crise sanitaire et la coordination des professionnels ont permis de lever certaines barrières entre libéraux et salariés ?
« Avec la crise sanitaire, nous avons vraiment pu avoir une coordination entre professionnels libéraux et centres de santé, notamment dans les centres Covid. Là où je travaille en tout cas, nous avons pu travailler ensemble, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Et dans ce cadre particulier, cela a montré également que les libéraux aspiraient aussi à avoir une rémunération forfaitaire qui garantisse un revenu fixe. Les centres Covid qui se sont créés ont nécessité ce type de fonctionnement. Le salariat, les forfaits, sont des réponses adaptées à ce genre de thématiques de santé publique urgentes, aux actions populationnelles ».
Vous n'avez pas été conviés aux négociations du Ségur, est-ce une déception ?
« Nous avons été invités à la séance d’ouverture seulement. C’était assez abrupt et peu délicat de la part du ministère. La Fédération des centres de santé a pu participer à certains des groupes de travail mais de manière très peu visible. Même si nous avons cru comprendre qu’il s’agissait davantage d’un Ségur de l’hôpital, officiellement ça ne l’était pas. La sélection des organisations présentes était assez peu compréhensible et décevante.
Il y avait une urgence en termes de revalorisation pour l’hôpital public, nous ne le contestons pas et avons toujours soutenu les manifestations des hospitaliers. Mais nous sommes dans l’attente de ce que pourrait être le pendant ambulatoire du Ségur. La ville est totalement oubliée. L’USMCS plaide pour une meilleure considération du statut de médecin en centres de santé car pour l’instant il n’existe pas réellement. Il pourrait être une passerelle ville-hôpital. Nous réclamons depuis longtemps d’avoir un statut proche de celui de praticien hospitalier et d’avoir ainsi cette facilité à passer de la ville à l’hôpital sans changer de grille salariale. Nous souhaiterions aussi que la fonction de médecin de centre de santé intègre un volet populationnel. Que nous ayons dans notre fonction une forme de rémunération du temps de santé publique, de prévention auprès de la population et pas uniquement des rémunérations sur objectif de santé publique ».
Les pouvoirs publics souhaitent encourager l'exercice coordonné, les sentez-vous concernés par l'avenir des centres de santé ?
« Nous avons un peu le sentiment d’un retour en arrière depuis l’arrivée de M. Véran, alors que Mmes Buzyn et Touraine avaient une certaine considération pour les centres de santé. Notre absence au Ségur et les discours adressés uniquement au monde libéral sont des signaux forts. Il y a un vrai frein au niveau de la politique gouvernementale à déployer des centres de santé et heureusement, certaines collectivités locales ont pris les choses en main. Nous appelons à une reprise du dialogue car il y a une vraie crise de l’installation. Même les jeunes médecins qui souhaitent s’installer comme salariés ne le peuvent pas parce qu’ils ne trouvent pas de structures. ».
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