Avec MoiPatient, les malades font avancer la recherche

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Publié le 06/02/2024
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L’association Renaloo a lancé la plateforme multipathologies de recherche MoiPatient, qui permet de réaliser des études en recueillant les données de vie des malades. L’objectif est d’aiguillonner pouvoirs publics et laboratoires.

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Renaloo – à la fois communauté web sur l’insuffisance rénale et porte-voix des quelque 100 000 patients dialysés et greffés – se veut pionnière dans la santé numérique. Constituée en tant que blog en 2002 puis en tant qu’association de patients en 2008, elle est l’une des premières à avoir mesuré la valeur des données de santé. Longtemps, ces data n’étaient produites que par les pouvoirs publics ou les laboratoires, excluant de fait les malades, premiers concernés. L’association s’est donc inspirée de plateformes de recueil de données de patients américaines ou européennes pour fonder son projet.

En 2018, elle crée MoiPatient, une plateforme multipathologies qui permet de récolter des données fiables, à travers le projet Mes Soins. L’outil se veut « entre les mains » des associations et le projet prend la forme d’une société à̀ action simplifiée pour gérer l’entrepôt de données de santé. Son président, Laurent Di Meglio, membre du bureau de Renaloo et de France Assos Santé, considère que « les données de santé des laboratoires ou des pouvoirs publics ne reflètent… que les questions qu’ils ont posées, mais pas forcément celles qui interrogent les patients. » La plateforme MoiPatient, qui avait reçu pour son lancement un financement d’un million d’euros (200 000 euros par an et pour cinq ans) est pleinement opérationnelle début 2020.

Étude sur les médicaments antirejet

Depuis trois ans, les projets se concrétisent. Une première étude à grande échelle a été réalisée en plaçant autour de la table des représentants de patients greffés (cœur, foie, rein, etc.) afin de recueillir des données sur l’expérience des malades qui vivent avec un médicament antirejet. « Nous avions l’impression que les désagréments de la vie de ces patients étaient mal connus et que ceux notés dans les notices de leurs médicaments étaient incomplets », commente Laurent Di Meglio. L’étude a été publiée en novembre 2021, présentée aux pouvoirs publics et aux laboratoires pharmaceutiques concernés. Ces derniers ont été incités à modifier les notices pour compléter les effets secondaires recensés.

MoiPatient cherche à diffuser ses travaux dans les publications scientifiques. Huit ou neuf études ont été finalisées (SEP par exemple), cinq ou six sont en cours (patients fragiles et zona, vieillir avec le VIH, utilisation de la Prep par des publics particuliers comme les travailleurs du sexe, etc.). « Les pouvoirs publics et les laboratoires n’ont pas d’autre choix que de traiter le problème. Tant qu’on n’a pas de chiffres, le problème n’existe pas, mais dès que les demandes des patients sont justifiées par des données factuelles, elles prennent davantage de valeur », commente Laurent Di Meglio.

Tant qu’on n’a pas de chiffres, le problème n’existe pas

Laurent Di Meglio, président de MoiPatient

Pour chaque étude, MoiPatient recherche un financeur public ou privé et se félicite de « commencer à être connu ». Mais seules les associations elles-mêmes construisent les questions du projet d’étude, validées par un comité scientifique d’intérêt des patients de 20 membres permanents – avec pour moitié des patients et l’autre moitié des professionnels de santé.

Mes Data, projet complémentaire, reste à construire. Les patients seront cette fois chargés d’évaluer leur propre centre de soins. Ainsi, les dialysés vont évaluer leur centre de dialyse via un outil informatique dédié avec des informations factuelles mais aussi leur vécu. L’objectif sera de récolter des données sur tous les centres de dialyse*. MoiPatient souhaite évaluer ensuite d’autres centres pour d’autres pathologies.

* Hasard du calendrier, à la suite de soupçons de dialyses abusives, une plainte contre X a été transmise au parquet de Nancy par Renaloo, en raison de craintes de traitements inappropriés pour des troubles rénaux au sein de l’hôpital privé Nancy-Lorraine (HPNL).


Source : Le Quotidien du Médecin