LE QUOTIDIEN : La chute d’un leader de la téléconsultation, H4D, a pris le secteur de court. Comment expliquez-vous cette faillite ?
JEAN-PASCAL PIERME – Je n’ai aucune information confidentielle sur le fonctionnement de cette société. Cela faisait quinze ans que des investisseurs privés soutenaient H4D qui était tout juste rentable et toujours à risque. Les investisseurs n’ont finalement pas suivi. Il y a deux ou trois ans, il y avait déjà eu un changement de gouvernance qui supposait une réorganisation capitalistique.
Au fond, la télésanté est relativement neuve dans la santé, notamment dans les activités remboursées. Avec l’Assurance-maladie, on n’en est qu’au début… Certaines sociétés sont à même de gagner de l’argent car elles ont un bout de modèle économique. Soit l’Assurance-maladie paie la transition de ces start-up à 100 %, soit l’État assume ce risque via la Banque publique d’investissement.
Le schéma des télécabines dans les déserts médicaux est-il remis en cause ?
Je ne suis pas devin. Ce dont je suis certain, c’est que les plateaux techniques se miniaturisent de plus en plus et iront au plus proche du domicile du patient afin de réaliser des diagnostics un peu complets. Par exemple, on peut avoir des cabinets médicaux décentralisés en ophtalmologie, ou en neurologie qui permettront de détecter de l’épilepsie avec des casques. Cette utilisation des capteurs se fera sans la présence physique d’un médecin.
Toutefois, nous ne savons pas encore exactement vers quel modèle économique, quelles entreprises et quel regroupement d’opérateurs nous allons nous orienter.
“Il faudra intégrer la télésanté et les plateaux techniques dans tous les territoires
En attendant, d’autres acteurs de téléconsultation vont-ils récupérer les parts de marché d’H4D ?
Je ne sais pas. Nous avions vu, à l’origine, des sociétés développer des cabines avec des instruments qui n’étaient pas intégrés dans un pôle de santé, où des patients étaient censés se débrouiller tout seuls. Mais les organisations sont en train d’évoluer : ces plateaux techniques miniaturisés seront installés là où se trouveront des infirmières, des auxiliaires médicaux…. qui seront parfaitement à même de prendre en charge les patients avec des médecins à distance.
C’est un vrai changement de paradigme. Désormais, tous les acteurs réfléchissent à des parcours de soins en télésanté. Il faudra intégrer la télésanté et les plateaux techniques dans tous les territoires, mais de façon organisée. Dans le futur, les médecins ne voudront pas s’installer dans tous les coins de France et se concentreront dans certains endroits, notamment dans les villes. C’est le cas pour les spécialistes aujourd’hui avec de gros plateaux techniques interventionnels. Pour la partie diagnostic, ces acteurs sont en train de développer des sites secondaires, précisément avec des outils de télésanté.
Comment réagissez-vous face aux critiques adressées par les médecins contre ces télécabines qui dérogent aux parcours de soins et s’implantent parfois sans concertation ?
J’entends ces critiques. En tout état de cause, ces cabines ne peuvent pas prendre en charge tous les patients. Elles représentent un élément supplémentaire de l’arsenal thérapeutique. Personne ne pense que, demain, il faudra que tous les patients rentrent dans des télécabines, même leurs propres fabricants !
La science médicale évolue. Il ne s’agit pas d’opposer le présentiel et le distanciel. Je le répète : nous arriverons de plus en plus dans des parcours de soins hybrides entre les deux. Cela nécessitera une, deux, voire trois générations de médecins pour accompagner ce changement. Par exemple, une commune de mon département, le Loir-et-Cher, a acheté une maison pour des médecins, mais qui ne fonctionne pas. Aujourd’hui elle pense mettre en place des téléconsultations assistées.
Que répondez-vous aux collectivités désemparées après la cessation d’activité d’H4D ?
Je leur donne des conseils quand elles m’appellent. La société H4D a fait ce choix, je le regrette amèrement pour les patients. C’est sans doute la fin d’un modèle qui n’assumait pas complètement la prestation médicale dans un parcours de soins. Les collectivités qui m’ont appelé prennent conscience que l’équipement n’a sa place qu’au sein d’un parcours. Depuis des années, la feuille de route du LET porte ce message.
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