Pr Mickaël Naassila*  « Ces outils ne dispensent pas d’un accompagnement humain »

Publié le 29/03/2019
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Les dernières journées de la SFA étaient dédiées aux nouvelles technologies, pourquoi ce choix ?

Pr Mickaël Naasila. Je crois que s’il y a un domaine où la télémédecine et la e-santé revêtent une importance capitale, c’est bien celui de l’addictologie car les patients concernés ont souvent des parcours de soins chaotiques, avec beaucoup de perdus de vue, là où il faudrait au contraire qu’ils puissent bénéficier d’un suivi resserré avec un fonctionnement en réseau et un partage d’informations facilité entre les différents professionnels. Il faut pouvoir les « marquer à la culotte », et à ce titre les outils numériques peuvent être très utiles. En psychiatrie et notamment en addictologie, on ne peut pas se permettre de laisser un patient dans la nature, attendre un voire deux mois pour un rendez-vous. Il faut gagner du temps et la télémédecine peut y contribuer. Le numérique est aussi une façon « d’accrocher les patients » et de faire sortir de l’hôpital certaines approches thérapeutiques comme la remédiation cognitive, avec des logiciels et des applications utilisables au sein d’associations ou à domicile.

N’y a-t-il pas un risque de déshumanisation et d’isolement ?

Pr M. N. Cela est bien ressorti à travers toutes les interventions du congrès : ces outils ne sont qu’une aide complémentaire et ne dispensent pas d’un accompagnement des patients dans leur prise en charge. L’humain reste indispensable. Il y a d’ailleurs eu des expériences où l’on a trop compté sur les nouvelles technologies et qui se sont révélées négatives.

Quelles sont les autres limites de ces approches ?

Pr M. N. Il faut pouvoir y accéder, ce qui peut être compliqué en cas de difficultés socio-économiques. Les troubles cognitifs fréquents chez ces patients peuvent aussi constituer un frein à l’utilisation de ces outils. Et au final, ceux qui en auraient le plus besoin risquent de ne pas pouvoir en bénéficier. Se posent aussi des questions éthiques quant à l’utilisation des données de santé qui pourront être recueillies et stockées via tous ces dispositifs. Surtout, la plupart de ces approches sont encore au stade d’expérimentation et devront être évaluées rigoureusement.

* Président de la Société française d’alcoologie et directeur de l’unité Inserm UMR 1247

Propos recueillis par B. G.

Source : Le Généraliste: 2867