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Plan greffe : parlons d’argent !

Publié le 09/04/2024
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La greffe mobilise plus d’un million d’euros par jour. Pourtant, cela n’apparaît pas sans équivoque pour les équipes de santé. Pour l’Agence de biomédecine, il faut renforcer le dialogue de gestion avec les administrations mais l’argent est bien là.

Les métiers de la transplantation souffrent d’un manque d’attractivité

Les métiers de la transplantation souffrent d’un manque d’attractivité
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Parrainé par l’Agence de biomédecine, le film documentaire Revivre de Karim Dridi (sorti au cinéma en février, NDLR), « épopée immobile, délicate et empathique » selon Télérama, est un véritable plaidoyer pour l’hôpital. Il ne parle ni de déficit, ni de dégradation des conditions d’accueil, ni de perte d’attractivité, ni d’absentéisme. En suivant le parcours de deux très jeunes enfants en attente d’une greffe d’organe, et de leur famille, il montre sans ambiguïté, et mieux que de toute autre façon, la vraie force des soignants, et surtout pourquoi, et grâce à qui, tout le système tient bon. On en ressort convaincu, s’il en était besoin, que les soignants sont la véritable richesse de l’hôpital, bien plus que les matériels, bâtiments, innovations, etc. Leur humanité s’exprime à travers ces liens, perçue distinctement, sans besoin de démonstration.

De nombreux acteurs de première ligne n’ont pas le sentiment d’être informés avec transparence sur les moyens alloués

Pour les équipes soignantes, l’engagement au quotidien prend souvent une toute autre dimension, dès qu’il s’agit de programmer et d’accompagner l’activité. Le Plan national pour le prélèvement et la greffe d’organes 2022-2026, piloté par l’Agence de la biomédecine dans une large concertation et porteur d’espoir, affronte des difficultés dans le contexte actuel des hôpitaux. L’activité augmente – et se situe dans les couloirs de croissance définis par le Plan – mais l’accroissement des besoins préoccupe, en témoigne l’allongement de la liste d’attente.

Si personne ne conteste les objectifs de ce Plan greffe, tous s’accordent sur la nécessité de donner un bon coup d’accélérateur au prélèvement, en menant une lutte sans merci contre l’inquiétante augmentation du taux d’opposition des proches.

Les professionnels, eux, s’alarment du manque d’attractivité des métiers de la transplantation, et souhaitent la valoriser de façon harmonieuse sur le territoire, indépendamment du mode d’exercice, brisant pour la première fois le dogme de l’interdiction d’un exercice libéral pour ces activités.

Plusieurs actions du Plan ministériel, dont le pilotage territorial, ont déjà été mises en œuvre. Pour autant, beaucoup reste encore à faire. Pour la première fois, il a fait l’objet d’un financement spécifique. Mais, malgré l’intention de transparence largement affichée, pour de très nombreux acteurs de première ligne, médicaux ou administratifs, c’est la sensation d’opacité qui prédomine à cet égard.

Au cours des deux premières années du Plan, les crédits d’investissement qui y sont inscrits ont déjà mobilisé 1,5 million d’euros. Par ailleurs, et c’est une grande part du financement, il est prévu que les mesures spécifiques* – car déclinées uniquement pour ces activités et venant en sus de la T2A – soient revues pour être incitatives tout au long du Plan greffe.

C’est en augmentant l’activité que ces mesures sont ou seront pleinement efficaces.

Garantie de financement

Indépendamment de tous ces points, la mesure la plus marquante pour les établissements a été la « garantie de financement », appliquée en 2022 et 2023 à ces activités. Cette mesure, qui devait être ponctuelle, sera reconduite pour la troisième année consécutive en 2024. Elle prévoit que les établissements reçoivent les crédits correspondant à la meilleure des années antérieures. Cela a permis de ne pas pénaliser les activités de prélèvement et de greffe, qui ont vu leurs financements maintenus même lorsqu’elles n’ont pas encore retrouvé le niveau d’activité d’avant la pandémie, notamment en raison de difficultés de ressources humaines. Cette garantie de financement correspond à une sécurité financière pour les établissements, qui peinent à augmenter leur activité dans la conjoncture actuelle.

Les montants financiers débloqués par ce mécanisme sont très concrets ! En effet, pour 2022, 2023 et 2024, ce dispositif correspond à près de 31 millions d’euros, venant soutenir directement les hôpitaux.

Alors que ces informations de financement sont largement diffusées chaque année, et à toutes les parties prenantes, leur méconnaissance, ainsi que le doute sur la transparence des fléchages, demeurent très présents chez les professionnels responsables d’équipe. À chaque occasion, ceux-ci réclament, comme les patients, une meilleure transparence, alors que celle-ci passe par l’instauration d’un dialogue de gestion continu avec leur direction hospitalière et leur agence régionale de santé (ARS). Parlons d’argent, disent-ils, pour cette activité qui a mobilisé en 2023 environ 410 millions d’euros (dépenses d’Assurance-maladie pour les établissements de santé : séjours en T2A et forfaits spécifiques), soit plus d’un million par jour. Il y a de quoi discuter !

Seul le dialogue permettra de lever les incompréhensions et de faire converger les regards, des praticiens qui y voient des sommes sur lesquelles ils ont un droit de tirage, et des administrations qui considèrent qu’elles viennent en atténuation de dépenses réalisées l’année précédente. Une chose est sûre : tous ces financements arrivent bien dans les hôpitaux.

Alors, parlons d’argent dans un dialogue transparent et ouvert pour réussir le Plan greffe. Et s’il était encore nécessaire de se convaincre de l’intérêt à agir, allons au cinéma (re)voir Revivre

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* Il s’agit de forfaits (calculés sur la base de l’activité de l’année n-1) pour les coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus (forfait CPO et suppléments dédiés), et de forfaits de soutien à l’activité de greffe (forfaits FAG), permettant d’amortir les charges connexes indispensables à la greffe et non facturables (transports d’équipes, de greffons, coordination de greffe, cross match et autres analyses HLA, remboursement des frais non médicaux des donneurs vivants et compensation de leur perte de revenus… )

Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint de l’Agence de la biomédecine

Source : Le Quotidien du Médecin