Médecine à l'étranger

Dr Seiya Orito, un gynéco à Tokyo

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Publié le 08/12/2023
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Installé à Tokyo, le Dr Seiya Orito, gynécologue-obstétricien, exerce au sein de sa propre clinique. Démographie médicale, rémunération, prise en charge : il partage, pour Le Quotidien, sa vision du système de santé japonais, en proie à des difficultés qui font écho à la pratique en France.

Crédit photo : DR

Dans le quartier de Ginza, à quelques pas du Palais impérial de Tokyo, la Orito Obstetric and Gynecologic clinic reçoit des patientes cinq jours par semaine (les lundis, mardis, mercredis et vendredis et le samedi matin). Elle est dirigée par le Dr Seiya Orito. Ce praticien de 49 ans a ouvert sa première clinique à Tokyo en 2015, avant de déménager en 2017 puis en 2022 pour ouvrir son cabinet actuel.

Aujourd’hui, il emploie une infirmière et reçoit l’aide de sa femme pour la partie administrative. « J’accueille entre 20 et 30 patientes par jour, c'est moins que les 50 à 60 patientes qu'un gynécologue typique voit dans sa clinique », explique le Dr Seiya Orito, avant de lister les prises en charge qu’il effectue : « Les femmes viennent pour des problèmes de pertes vaginales, souvent des mycoses, des douleurs au ventre, des kystes ovariens, des check-up réguliers y compris les frottis annuels, la prescription de pilule minidosée, la pose de dispositif intra-utérin, le check-up prénatal et de suivi de grossesse jusqu’à 33 semaines d'aménorrhée ».

En cas de besoin, il adresse ses patientes aux University of Tokyo Hospital et Juntendo University Hospital. Car, explique-t-il, le Japon dispose de trois types de structures : les hôpitaux, qui comptent plus de 19 lits, les cliniques avec des lits (jusqu’à 19) et les cliniques sans lits, comme la sienne. Le dernier rapport de l’OCDE note que le pays compte 12,6 lits hospitaliers pour 1 000 personnes (5,7 en France et 4,3 en moyenne dans l’OCDE), 2,6 médecins (3,2 en France et 3,7 en moyenne dans l’OCDE) et 12,1 infirmiers (9,7 en France et 9,2 en moyenne dans l’OCDE).

Des difficultés liées à la démographie médicale

Interrogé sur la démographie médicale, le praticien souligne que la situation diffère entre les grandes villes et les zones rurales, où il peut être difficile d’accéder à un médecin. Il indique par ailleurs que la liberté d’installation s’applique pour les cliniques sans lits et qu’il n’y a pas aujourd’hui, pour les futurs médecins, de contraintes pour choisir la spécialité désirée. Le Dr Seiya Orito, qui emploie actuellement une infirmière, cite également les bénéfices de travailler avec une autre professionnelle de santé : « Je demande à mon équipe de m’aider autant que possible. C’est aussi le cas dans les hôpitaux qui recrutent de plus en plus de personnel pour aider les médecins. Mais dans les cabinets, les infirmières aident plus le travail des médecins que dans les hôpitaux ».

Il précise par ailleurs qu'« il existe des infirmières certifiées qui peuvent réaliser certaines tâches des médecins ». On distingue quatre types d’infirmières en pratique avancée : les infirmières sages-femmes, les infirmières anesthésistes, les infirmières cliniciennes spécialisées et les infirmières praticiennes (Nurse Practitioner, NP). La première infirmière praticienne japonaise a obtenu son diplôme en 2010. Fin mars 2021, la Japanese Organization Nurse Practitioner Faculties en recensait 582. Ces infirmières peuvent intervenir pour diagnostiquer et prendre en charge les patients dans les établissements de soins de santé primaires et aigus et assurer la continuité des soins aux patients atteints de maladies chroniques. S'il se montre favorable au travail avec ces infirmières en pratique avancée, le Dr Orito constate cependant des réticences de la part du monde médical.

Une rémunération fixe des consultations

Autre sujet de préoccupation pour le gynécologue tokyoïte : le financement du système de santé et la rémunération des médecins. « Tous les deux ans, le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales revoit sa politique tarifaire sur les frais médicaux et, tous les ans, les prix des médicaments, avec le constat ces dernières années que les dépenses de santé augmentent. En conséquence, on voit les prix des médicaments diminués et ceux des consultations légèrement augmentés », observe-t-il.

Le Dr Orito précise que les Japonais ont une couverture santé soit sociale (liée à une entreprise), soit nationale (liée au gouvernement local). Le rapport de l’OCDE note que 85 % des dépenses sont couvertes par le prépaiement obligatoire (taux équivalent à la France et supérieur à la moyenne de l’OCDE, de 76 %), le reste à charge est de l’ordre de 12 % au Japon (contre 9 % en France et 18 % en moyenne dans l’OCDE). Sur le prix de la consultation, le Dr Orito déplore que le tarif soit fixe, quels que soient la consultation et les frais que le médecin peut avoir. « Je suis installé dans un quartier cher de Tokyo, j’effectue des consultations en anglais et en français mais je ne peux pas valoriser cette expertise », détaille celui qui a fait ses années de lycée aux États-Unis et qui vient régulièrement assister à des congrès de gynécologie en France.

Sur la prise en charge des patientes dans sa spécialité, le Dr Orito précise que, bien que récemment approuvée, l’IVG médicamenteuse n’est pas possible dans sa clinique car la pratique n’est autorisée que dans les hôpitaux et cliniques avec lits. Il souligne par ailleurs qu’il n’y a pas de prise en charge par le système de santé national.

Le gynécologue indique également une différence de prise en charge pour les moyens de contraception, rappelant que les pilules contraceptives ne sont approuvées que depuis 2000. « Par exemple, la pilule minidosée est disponible au Japon. Si elle est prescrite dans le cadre de douleurs menstruelles, il y a une prise en charge de l’assurance maladie ; tandis que si c’est pour le contrôle des naissances, la patiente doit payer en intégralité », confie le Dr Orito.

Sur la prévention, il cite également un changement vis-à-vis de la vaccination depuis le Covid-19. Alors que la vaccination HPV avait été introduite au Japon en 2010 pour les jeunes filles âgées de 13 à 18 ans, puis généralisée en avril 2013 pour les filles de 12 à 16 ans, la recommandation avait été retirée par le ministère en juin 2013 suite à des « symptômes divers », faisant chuter le taux de vaccination de 70 % à 1 %, selon la Japan Society of Gynecologic Oncology. Fin 2021, le ministère a à nouveau changé sa position et la vaccination a pu reprendre en avril 2022. « Depuis le Covid, les gens ont modifié leur position sur la vaccination et veulent se faire vacciner, bien que la vaccination ne soit pas prise en charge par l’assurance santé nationale », constate le Dr Orito.


Source : Le Quotidien du médecin