Edward Jenner, père anglais de l’immunologie

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Publié le 04/01/2024
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De Claude Bernard à Jean-Martin Charcot en passant par René Laennec, la France a ses grands noms de l'histoire médicale… Mais elle n’est pas la seule. En ce début d’année, Le Quotidien vous propose un voyage d’hiver à la rencontre des pionniers européens de la médecine. Aujourd'hui, l’Anglais Edward Jenner (1749-1823).

En Grande-Bretagne, Edward Jenner fait figure de véritable héros national

En Grande-Bretagne, Edward Jenner fait figure de véritable héros national
Crédit photo : SCIENCE SOURCE / PHANIE

14 mai 1796. Dans un village du Gloucestershire, dans l’ouest de l’Angleterre, le médecin Edward Jenner inocule à un jeune garçon nommé James Phipps la vaccine. Cette maladie touchait principalement les vaches et, dans une forme bénigne, les humains, elle était proche de la variole, véritable fléau qui faisait alors 400 000 morts par an dans toute l’Europe. Quelques jours plus tard, Jenner inocule la variole à son patient, et le miracle se produit : grâce à l’immunité développée par James Phipps au contact de la vaccine, il en sortit indemne.

Pour un esprit français, cette histoire d’enfant et de maladie virale fait immanquablement penser à Joseph Meister, le garçonnet que Louis Pasteur sauva de la rage en 1885, prouvant ainsi l’efficacité de son vaccin. Mais outre-Manche, c’est l’histoire de James Phipps qui fait figure d’image d’Épinal de la lutte contre les germes. Et c’est Edward Jenner qui est vu comme le « père de l’immunologie », selon la formule qui lui est généralement appliquée.

Car en Grande-Bretagne, Jenner fait figure de véritable héros national. Dès 1802, le Parlement lui accorda la somme conséquente de 10 000 livres en reconnaissance des services rendus à la nation. Westminster réitéra sa générosité cinq ans plus tard, avec une nouvelle gratification, cette fois-ci de 20 000 livres. En 1808, un National Vaccine Establishment fut fondé, dont Jenner prit brièvement la tête avant de démissionner sur fonds de désaccords avec les autres membres de l’institution.

En Angleterre comme en France, l’histoire de la vaccination fut dès son origine une histoire de conflits

Une histoire de conflits

Car en Angleterre comme en France, l’histoire de la vaccination fut dès son origine une histoire de conflits. L’illustration la plus parlante de cette conflictualité est peut-être le sort qui fut réservé à une autre des marques de reconnaissance que les Britanniques ont voulu accorder à Jenner : la statue érigée en son honneur que l’on peut aujourd'hui admirer aux jardins de Kensington, au cœur de Londres.

À l’origine, cette statue trônait à quelques encablures de là, à Trafalgar Square, où elle avait été inaugurée par le prince Albert en 1858. Voilà qui posait un double problème : non seulement cette œuvre heurtait les convictions d’une frange de l’opinion encore largement hostile à la vaccination, mais de plus, le médecin côtoyait à Trafalgar Square les statues de grands militaires (dont celle de l’amiral Nelson, juchée au sommet de sa célèbre colonne). Il se trouva des voix pour trouver que la gloire de l’armée s’en trouvait ternie.

Pour apaiser les esprits, les autorités ont décidé en 1862 de transférer l’effigie de Jenner dans des parages plus discrets. Jenner a été banni « de ce voisinage honorable d’hommes estimés car ils ont tué leur semblable, tandis qu’il s’était contenté de les sauver », ironisa le British Medical Journal (BMJ) à cette occasion. Ce même BMJ se faisait en 2010 l’écho d’une pétition demandant le retour de la statue à son emplacement originel… Sans résultat pour l’instant.


Source : lequotidiendumedecin.fr