En Italie, le risque d’une médecine à deux vitesses renforcé par l’autonomisation des régions

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Publié le 09/07/2024
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En Italie, le gouvernement a adopté début juillet une loi qui renforce l’autonomie des régions. Selon ce dispositif, 23 domaines de compétences dans des secteurs clefs comme la santé seront transférés aux autorités régionales qui pourront si elles le souhaitent négocier des pouvoirs plus étendus.

Crédit photo : Daniel Cole/AP/SIPA

Avec l’adoption début juillet du dispositif sur l’autonomie différenciée, l’une des promesses phare de la Ligue, les régions d’Italie vont désormais bénéficier d’une autonomie majeure sur l’emploi d’une partie des recettes fiscales générées sur leur territoire.

Cette loi s’inscrit dans une série de réformes constitutionnelles prévues par la majorité ultraconservatrice, contre lesquelles l’opposition s’élève et réclame un référendum. Concernant la santé, la décentralisation du pouvoir risque de creuser l’écart déjà existant entre le nord riche et le sud défavorisé, clame l’opposition. Ce que note également l’institut de recherche Fondazione Gimbe qui affirme dans un rapport publié au début de l’année que « l’autonomie différenciée détruira le secteur de la santé dans les régions du sud de l’Italie ».

Disparité dans l’espérance de vie

Une réforme constitutionnelle adoptée en 2001 a déjà introduit un partage des responsabilités en matière de planification et de financement entre les régions, les deux provinces autonomes de Trente et Bolzano (nord) et le gouvernement central. Cette réforme qui leur a confié la responsabilité de la santé publique et des soins sur leur propre territoire a créé un premier écart entre le nord et le sud. Elle a également favorisé la mise en place d’un système différent en termes de qualité au sein même de certaines régions, le nord-est étant nettement plus performant que le nord-ouest, note ainsi le Pr Federico Spandonaro, professeur d’économie spécialiste de la santé et de l’industrie pharmaceutique à l’université de Rome.

Le constat est identique pour la Fondation Gimbe qui note depuis 2010 des différences importantes dans le domaine de la santé entre le nord et le sud. Au chapitre par exemple de l’espérance de vie, la moyenne d’âge est fixée à 82,6 ans à l’échelle nationale. Mais elle passe à 84,2 ans dans la province autonome de Trente contre 81 ans en Campanie (sud). Toujours selon Gimbe, l’espérance de vie est inférieure de trois ans dans toute la partie sud de l’Italie, une donnée qui démontre une qualité de services nettement plus basse dans ces régions à revenus moins élevés.

Défaillances dans les régions du centre-sud

Autre information importante : les objectifs concernant l’amélioration du système de santé inscrits dans le plan national de relance et de résilience (PNRR) n’ont pas été réalisés en raison des défaillances dans les régions du centre-sud. C’est notamment en ce qui concerne la mise en place du dossier de santé dématérialisé, la construction ou la remise à niveau des structures hospitalières, le recrutement des professionnels de santé, à commencer par les infirmiers qui manquent cruellement dans le sud du pays.

Au final, toujours selon la fondation Gimbe, le renforcement de l’autonomie qui sera réclamé en particulier par les régions vertueuses en matière de performances sanitaires renforcera un système à deux vitesses. Par ailleurs, l’autonomie renforcée accentuera la fuite des professionnels de santé vers les régions qui offriront de meilleures conditions économiques. Tout en produisant un effet paradoxal dans le Nord qui ne sera pas en mesure de gérer l’augmentation de la mobilité des patients résidents dans le sud de l’Italie.


Source : lequotidiendumedecin.fr