La Dr Sandra Bendavid Bensoussan est une médecin radiologue française de 50 ans, installée depuis six ans à Tel-Aviv, en Israël. Quelques jours après l'attaque terroriste meurtrière du Hamas et alors que la question de la prise en charge médicale des civils se pose de part et d'autre, elle a raconté au Quotidien, jeudi 12 octobre, le nouveau basculement dans l'horreur de la guerre.
Son récit commence le 7 octobre, à 6 h 35. « J’ai été réveillée par une sirène d’alerte. Personne ne travaille le samedi, alors je suis allée me réfugier dans la chambre forte (pièce bétonnée qui protège des tirs de roquettes, ndlr), comme tout le monde, et j'ai essayé de savoir si ce n’était pas une fausse alerte. Elle a repris plusieurs fois. J’ai allumé la télévision et j’ai vu des choses que je n’avais encore jamais vues. J’ai très vite compris que l’on était dans une autre dimension », confie-t-elle. Certaines images lui restent en tête. « J’ai vomi plusieurs fois après avoir vu des vidéos sur X (ex-Twitter, ndlr). Elles venaient des canaux musulmans ou arabes… On ne sait jamais si c’est vrai, mais elles sont toujours atroces. » Elle a depuis freiné sa consommation des réseaux sociaux.
700 lits en plus à l’hôpital
L’inquiétude grandit immédiatement. Cette mère de trois enfants pense à son fils de 19 ans, à l’armée. Elle prend de ses nouvelles. Tout va bien mais il lui dit qu’il travaille, autrement dit, il est mobilisé, alors qu’en temps normal, il est au repos le samedi. Elle ne lui pose pas de question, elle sait qu’il ne peut pas raconter.
Vers midi, tout s’accélère. Son fils aîné de 22 ans est à son tour mobilisé. Un message sur le groupe de travail de l’hôpital lui indique qu’il faut se tenir prêt, que les réservistes sont appelés. « Nous réceptionnons des blessés légers, comme un patient qui avait un débris de roquette dans une fesse ou le dos », raconte-t-elle. Le samedi normalement, un seul senior est d’astreinte. Mais ce jour-là, cinq seniors arrivent en renfort dans son service, preuve de l’activité soutenue de l’établissement.
Travail indispensable
Dans le même temps, Israël permet aux hôpitaux du sud de partager les données des patients pour qu’ils puissent être pris en charge, notamment en radiologie, par des médecins plus au nord. L’hôpital de Tel-Aviv où elle exerce se prépare : un étage réservé au parking est libéré des voitures et transformé en accueil de 700 lits supplémentaires. Les médecins sont réquisitionnés et n’ont plus le droit de quitter le territoire, à l’instar des militaires.
En tant que médecin, elle affirme faire son travail. « Accidents de trottinette, appendicites, mammographies et attaques de terroristes… Nous avons fréquemment des blessés ». Et encore, précise-t-elle, « je vois des imageries des blessés, ce qui est moins traumatisant que d’avoir des patients en face de soi. Je me protège comme ça », lâche la spécialiste, émue. « Nous vivons la même chose que les autres. Nous avons juste, avec le statut de praticien, un travail indispensable… mais tout le monde l’est dans ce contexte ».
« Je ne sais pas comment y croire de nouveau »
Les corps des victimes du Hamas sont découverts au fur et à mesure. Il y a le festival de musique Tribe of Nova où plus de 3 000 jeunes célébraient la paix. Un commando armé du Hamas en a tué plus de 270, d'autres sont portés disparus ou ont été enlevés. Il y a aussi les découvertes du massacre dans les kibboutzim. « Je souhaite que mes enfants ne voient jamais ces horreurs », espère la Dr Bendavid Bensoussan. « Je ne sais pas comment nous allons nous en remettre. Depuis que je vis ici, moi aussi je veux le vivre-ensemble, mais je ne sais pas comment y croire à nouveau ».
La radiologue a perdu un proche, bénévole depuis 30 ans du Maguen David Adom (MDA), association qui participe au service d’urgence du pays, pour lequel elle s’était engagée elle aussi. « J’ai vu qu’un ami en commun a publié sur Facebook sa photo en présentant ses condoléances. Il a été tué, chez lui dans le kibboutz Beeri, par des terroristes, à 69 ans. C’était un homme avec une joie de vivre extraordinaire, qui s’occupait, avec sa femme, de ses petits-enfants après le décès de sa fille. À ce jour, nous ne savons pas où ils sont… » La maison de son oncle, dans le kibboutz Réïm, où elle allait en vacances, plus petite, a été détruite.
À Tel-Aviv, elle affirme se sentir en sécurité, suivant les recommandations à la radio, ayant 27 litres d’eau à l’avance, en compagnie notamment de sa belle-mère parisienne, qui est restée auprès d’elle. La radiologue raconte enfin avec émotion la solidarité sans faille de la population. « Tout le monde fait des cartons pour les envoyer sur le front, les enfants trient leurs jouets pour en donner aux réfugiés et les mamans cuisinent… Notre force est notre unité. »
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