Au petit jeu des dates, la Suisse bat la France sur le fil… Du moins pour ce qui est de l’antériorité dans la féminisation du métier de médecin. Car si notre pays s’enorgueillit souvent d’avoir décerné à Madeleine Brès, en 1875, le premier titre hexagonal de docteure en médecine, les Suisses avaient franchi le pas l’année précédente : en juillet 1874, l’Helvète Marie Heim-Vögtlin avait décroché son doctorat de gynécologie à l’université de Zurich.
Il faut dire que tout, dans ce qu’on sait de la vie de Marie Heim-Vögtlin, laisse supposer que cette native du canton d’Argovie, au Nord de la fédération ne manquait pas de caractère. Ayant perdu sa mère à l’âge de 19 ans, elle s’occupa de la maisonnée de son pasteur de père tout en poursuivant ses études. Celles-ci se déroulèrent d’abord à domicile, puis à l’université, et on ne peut pas dire que la jeune Suissesse ait eu la partie facile. Elle dut notamment vaincre les réticences de son père, moyennement convaincu de l’opportunité pour une femme d’user ses jupes sur les bancs d’une faculté de médecine, puis celles de l’université de Zurich, qui n’acceptait alors les étudiantes qu’à titre d’auditrices.
Entre admiration et quolibets
Durant toutes ses années d’apprentissage de la médecine, Marie Vögtlin navigua entre l’admiration que suscitait son courage et les vexations infligées à cette unique femme dans un milieu exclusivement masculin. Mais en 1874, son diplôme en poche, elle ouvrit à Zurich ce qui était alors impensable en Europe : le premier cabinet de gynécologie tenu par une femme. Le succès fut immédiat, les patientes appréciant visiblement d’être prises en charge par un médecin du même sexe qu’elles.
Elle co-fonda en 1901 à Zurich le premier hôpital gynécologique de Suisse
Mais ce triomphe ne marquait pas le terme des ambitions de la gynécologue, devenue Marie Heim-Vögtlin à la suite de son mariage avec le géologue Albert Heim. Elle co-fonda notamment en 1901 à Zurich avec Anna Heer, autre pionnière de la médecine helvète qui avait obtenu son diplôme en 1886, le premier hôpital gynécologique de Suisse, hôpital auquel était adossée une école pour ce qu’on appelait alors les « gardes-malades ». Les statuts de cette institution mentionnaient que la direction générale, mais aussi la direction médicale, devaient y être assurées par une femme.
Comme la mémoire de Madeleine Brès en France, la mémoire de Marie Heim-Vögtlin s’est quelque peu perdue au cours des années qui ont suivi son décès en 1916. Mais comme notre pays, qui voit fleurir depuis quelques années les maisons de santé portant le nom de la première femme médecin française, la Suisse redécouvre progressivement celle qui fut sa pionnière dans la discipline. Quelques rues Marie Heim-Vögtlin ont ainsi émergé dans différentes villes helvètes depuis le milieu des années 1990, et le Fonds national suisse récompense chaque année depuis 1991 d’un prix Marie Heim-Vögtlin les chercheuses d’excellence.
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