Le candidat malheureux à la présidentielle est tête de liste de son nouveau parti aux élections européennes. En matière de santé, l’ancien socialiste veut fixer des objectifs d’accès aux soins à atteindre pour tous les pays membres. Il entend lutter contre les lobbies qu'il accuse de paralyser l’action du Parlement.
LE QUOTIDIEN : Le Grand Débat national a révélé la forte préoccupation des Français pour l’accès aux soins. Que peut faire l’Union européenne dans ce domaine ?
BENOÎT HAMON : Si l’Europe a parmi ses compétences certaines questions de santé publique, de prévention ou de médicament, l’accès aux soins n’en fait pas partie. Mais le fait est qu’il existe un «halo budgétaire» européen qui encourage à réduire la voilure en matière d’offre. Cela explique en partie le fait qu’on ait en France un ONDAM inférieur à l’évolution réelle des dépenses de santé ou qu’on fasse des économies sur l’hospitalisation publique. Et une chose est sûre, aujourd’hui, on ne sait pas faire mieux avec moins !
Je pense que l’Europe peut donner des cibles à atteindre. Elle dispose des ISEB [indicateurs de santé européens de base, NDLR] à partir desquels elle compare l’accès aux soins des citoyens des différents pays membres. On veut se servir de ce point d’appui pour construire une norme européenne de santé. Le principe est simple : tout citoyen doit avoir accès à un panier d’offre de soins minimum à une distance raisonnable de chez lui. Généraliste, spécialiste, dentiste, service d’urgences, maternité… Cette norme servirait de référence pour les pays européens plutôt que de laisser des logiques comptables déterminer les politiques sanitaires. Cela encouragerait une convergence vers le haut de nos systèmes de santé.
Pour y arriver, un débat divise les pays européens. Faut-il contraindre ou peut-on faire confiance à la liberté d’installation des professionnels de santé ?
Aujourd’hui, les incitations ne suffisent pas ! Elles ne répondent pas de manière efficace à la désertification médicale. Les trous dans la raquette ne seront pas davantage comblés en faisant venir de la main-d’œuvre étrangère. Et faire sauter le verrou du numerus clausus ne nous offrira des médecins que dans dix ans. Il faut donc piloter l’installation. Faut-il imaginer une période, qui pourrait être de cinq ans, pendant laquelle les jeunes médecins diplômés seraient affectés dans les territoires où il y a le plus de besoins ? Cette question devra être discutée.
Mais il me semble que les totems et les tabous sur la liberté d’installation tombent dès lors que nos concitoyens n’ont pas d’autre choix que d’aller aux urgences faute de médecin généraliste. Il faut que les choses soient claires et que les médecins regardent la réalité en face. Si demain se crée une médecine à deux vitesses, il n'y aura pas d'autre solution que de remettre en cause la liberté d’installation.
Et sur l’accès au médicament, que peut faire l’Europe ?
Elle doit faciliter l’utilisation de la licence d’office [mesure exceptionnelle qui permet aux États de produire des médicaments encore sous brevet en cas de pénurie, NDLR]. On peut parfaitement en France décider de l’utiliser lorsqu’on considère qu’un médicament est trop onéreux. Sauf qu’aujourd’hui, l’Agence européenne du médicament autorise des exclusivités de marché de dix ans qui empêchent d’avoir une politique de régulation des prix et d’accès aux molécules coûteuses, notamment des médicaments innovants. Il faut sur ce point modifier la législation européenne.
Le problème, c’est que les laboratoires pharmaceutiques voient la licence d’office comme une bombe nucléaire alors que c’est une arme de régulation par la dissuasion. Sans elle, il y a peu de chance qu'ils se privent d’obtenir des autorisations de mise sur le marché à des prix faramineux.
Les lobbies empêchent-ils une politique européenne de santé publique cohérente ?
Il y a une réalité, c’est que certains parlementaires européens sont presque estampillés, étiquetés par telle ou telle branche de l’industrie. Il faut réguler cela. Mais les lobbies, c’est comme les cafards et les vampires, ça n’aime pas la lumière.
Nous proposons donc une idée simple qu’on appelle la vigie. Elle consiste en deux choses. D’abord, les parlementaires doivent rendre public leur agenda et leurs rencontres avec les lobbies. En fonction de cet agenda, certaines ONG − pourquoi pas des associations de médecins ou de patients − seraient habilitées à assister à n’importe quel rendez-vous d’un parlementaire, à leur convenance, en tant qu'observateur. Les citoyens auraient un droit de regard sur les liens entre députés et lobbyistes. Il est possible que cette mesure pousse une partie des relations à basculer dans la pénombre, mais je suis sûr qu'elle disciplinera aussi le comportement de certains parlementaires.
S’il y a autant de lobbies qui dépensent autant d’argent pour rencontrer les élus européens, c’est bien que le Parlement a du pouvoir. C’est une indication du sérieux avec lequel il faut prendre ces élections.
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier