Nouveau rebondissement dans l’affaire du Dipa qui oppose depuis trois ans l’Assurance-maladie et les médecins libéraux. Et ce nouvel épisode est cette fois-ci en défaveur de ces derniers.
Mis en place en 2020 par la Cnam pour compenser partiellement la chute des revenus des médecins de ville causée par la crise sanitaire et le premier confinement du printemps, le Dipa est un mécanisme d’urgence sollicité la même année par 203 000 professionnels de santé libéraux pour un montant total de 1,3 milliard d'euros. En moyenne, chacun avait ainsi perçu une avance de 5 500 euros. Sauf qu’en 2021, les caisses primaires ont refait les comptes. Résultat : près de 25 000 médecins libéraux se sont vus réclamer un remboursement d'indus, parfois modique, parfois très élevé.
De manière épisodique, ce sujet crispe toujours les relations entre les professionnels (qui contestent notamment le mode de calcul du Dipa) et leurs caisses. Or dans deux décisions similaires en date du 26 juin et du 23 juillet, le Conseil d’État a remis une pièce dans la machine.
La première décision concerne cinq affaires opposant des médecins à leur caisse d’Ardèche, du Gard, de La Réunion, de La Martinique et de Meurthe-et-Moselle. La seconde concerne un litige entre un professionnel et la caisse du Hainaut (Valenciennes). De même nature, les six dossiers ont été transmis au Conseil d’État pour trancher sur la « légalité des textes fondateurs » du Dipa, c’est-à-dire une ordonnance de mai 2020 et un décret de décembre 2020. Les médecins espéraient que le Conseil d’État jugent les textes illégaux, ce qui aurait pour conséquence de rendre caduques les demandes de remboursements d’indus des caisses.
Aucune exceptions d’illégalité fondées
La réponse des magistrats ne va pas dans ce sens. Au fil des dossiers, le Conseil d’État le répète : « Les exceptions d'illégalité soulevées ne sont pas fondées. »
Les médecins contestataires partaient du principe que l’ordonnance de mai 2020 brisait le principe d’égalité entre les compensations accordées à la médecine de ville pendant la pandémie et celles accordées aux hôpitaux et cliniques. Or, le Conseil d’État ne met pas les deux dispositifs d’aide sur le même pied. Dès lors, il estime qu’« aucune atteinte au principe d'égalité ne saurait toutefois résulter de ce que l'aide instituée par l'ordonnance attaquée en faveur des professionnels de santé conventionnés vise, non à leur assurer une garantie minimale de recettes comme c'est le cas pour l'aide instituée en faveur des établissements de santé […], mais à leur permettre de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période prévue ».
La formule de calcul de l’aide validée
L’autre argument (et angle d’attaque) est financier. Il concerne la formule de calcul du montant de l’aide octroyée aux médecins, fixée par le décret. Les juges estiment que le texte réglementaire « n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation » puisque qu’il définit « une méthode d'évaluation de la baisse d'activité permettant de rapporter les honoraires constatés sur la période concernée de 2020 à un montant moyen, à même d'être représentatif de l'activité habituelle du professionnel ». Partant, le décret « n'a porté aucune atteinte au principe de sécurité juridique et n'a pas méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », appuie encore le Conseil d’État.
Les médecins s’élevaient enfin contre le principe d’acompte et de récupération, dont les modalités sont définis dans l’ordonnance. Las ! « Si, confirment les juges, afin de soutenir rapidement les professionnels de santé, il a été prévu […] que l'aide serait versée sous forme d'acomptes, il était également spécifié que la Caisse nationale de l’Assurance-maladie, une fois le montant définitif de l'aide arrêté, procéderait s'il y a lieu au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu au plus tard le 1er juillet 2021. » Les acomptes d'aide versés avant l'intervention du décret du 30 décembre 2020 l'ont été « à titre provisoire, ce que ne pouvaient ignorer les professionnels de santé en ayant bénéficié ».
D’autres procédures en cours
À la bagarre sur ces dossiers chauds entre la Cnam et les médecins libéraux, la FMF a ironiquement noté début juillet par la voix de son expert juridique, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, que les professionnels de santé libéraux « sont les seuls à qui l’État a demandé de rembourser des avances du “quoi qu’il en coûte” ». Malgré ce revers, il estime que « tout n’est pas perdu pour autant et [que] les médecins ne sont pas encore condamnés à payer ». La cellule juridique du syndicat rappelle que les procédures devant les tribunaux judiciaires qui étaient en attente de la décision du Conseil d’État vont reprendre. Et que les médecins ont déjà obtenu des décisions favorables à Quimper, Boulogne, Moulins, Roanne et Nancy.
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