Prélude d'un parcours qui pourrait s’étirer sur deux années, le projet de loi sur la fin de vie arrive ce 22 avril à l'Assemblée, où la commission spéciale présidée par Agnès Firmin Le Bodo s’apprête à vivre un mois assidu d'auditions, dans un climat politique que chacun souhaite « apaisé » sur un sujet délicat.
Le départ du marathon législatif autour de cette grande réforme sociétale du deuxième quinquennat Macron sera donné à 18 h 00. La ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui porte ce texte hautement sensible, sera la première à défendre un projet qu’elle considère « extrêmement équilibré » en créant la possibilité d'une aide à mourir selon des critères stricts. Puis la parole sera donnée ce lundi soir au Comité consultatif national d’éthique, qui a rendu un avis déterminant en septembre 2022, représenté par son président le Pr Jean-François Delfraissy, et les rapporteurs le Pr Régis Aubry et Alain Claeys.
Suivront, le mardi, des représentants des Ordres des professionnels de santé, dont le Dr François Arnault pour les médecins, mais aussi de l’Académie nationale de médecine, des Fédérations hospitalières, de la Haute Autorité de santé, des acteurs du domicile et des soins palliatifs, ou encore de l’éthique. Seront aussi auditionnés les cultes, des associations, des psychologues, philosophes et sociologues, des anciens ministres (Marisol Touraine) et des parlementaires comme Jean Leonetti, auteur de deux lois sur la fin de vie.
« Il faut savoir écouter tout le monde, tous les avis. L'important est qu'on puisse offrir à nos collègues un panel assez large d'acteurs » pour se forger un choix éclairé, fait valoir Agnès Firmin Le Bodo (Horizons), qui a porté ce sujet quand elle était ministre déléguée à la Santé.
Examen dans l’hémicycle le 27 mai
À partir du 13 mai, les 71 membres de cette commission entreront dans le vif du texte, décortiqué au fil de ses 21 articles et des amendements déposés, avant que l’hémicycle ne s'empare du projet remanié, à partir du 27 mai.
Pour rappel, cette aide à mourir est réservée aux majeurs, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, souffrant d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme, présentant une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, souffrance réfractaire aux traitements ou en l’absence de thérapeutiques, insupportable, et les personnes étant capables de manifester leur volonté de façon libre et éclairée. La possibilité de l’administration du produit létal par une personne volontaire désignée par le malade, ou par un professionnel de santé, lorsque le malade n’est pas en mesure physiquement de s’en acquitter, devrait être au centre des discussions.
Aucune consigne de vote
Deux semaines après la présentation du texte en Conseil des ministres le 10 avril, « on entre dans le débat parlementaire, dernière étape avant ce que j'espère être une grande loi républicaine de progrès et d'humanité, une loi qui fera date », plaide le rapporteur de la commission Olivier Falorni (MoDem), lui-même auteur par le passé d’une proposition de loi sur le sujet.
Alors que le reste des travaux à l'Assemblée sont en pause cette semaine - vacances obligent - les députés de la commission vont pouvoir « se concentrer uniquement sur le sujet », se félicite Agnès Firmin Le Bodo, qui aborde les échanges « de façon sereine ». Dans une Assemblée où la situation de majorité relative a exacerbé les passions, la question du climat des débats sera centrale. « Les députés ont conscience que ça sera très regardé et très suivi. Vous n'allez pas vous jeter dans une arène comme pour un PSG-OM », métaphorise l'Insoumise Caroline Fiat, l'une des quatre co-rapporteurs thématiques de la loi. « On peut être en désaccord mais il faut faire attention aux mots qu'on prononce », prévient-elle.
Gabriel Attal a également appelé au « plus grand respect des convictions de chacun », souhaitant que les députés « manifestent le sens de la responsabilité due aux malades et aux familles ».
Dans ce sujet qui relève de l'intime, les groupes politiques ont annoncé qu'aucune consigne de vote ne serait donnée. Gauche et camp présidentiel devraient représenter l'essentiel des soutiens à son volet controversé sur l'aide à mourir face à l'hostilité qui domine à droite et à l'extrême droite. Marine Le Pen dit espérer « convaincre les députés du Rassemblement national que la voie choisie par le gouvernement est une voie facile car elle fait fi des carences dans le domaine des soins palliatifs », qui constituent un autre volet de la loi.
Alors que le sujet risque de réveiller de forts clivages éthiques et religieux, la philosophe Élisabeth Badinter a fait savoir dimanche dans La Tribune que son défunt mari Robert Badinter, ex-garde des Sceaux à l'initiative de l'abolition de la peine de mort, aurait voté cette loi, contrairement à ce que certains opposants affirment.
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