Éditorial

Le printemps du salariat

Publié le 08/04/2016
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Jean

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Faut-il s’en réjouir ou s’en désoler ? La question, si longtemps clivante, ne se pose plus de façon si binaire tant les faits semblent têtus. Depuis quelques années, la médecine salariée gagne du terrain en soins primaires, au point d’être devenue une alternative crédible dans certains endroits. Encore relativement discrète, son ascension ne bénéficie pas de l’exposition médiatique des maisons et pôles de santé. Mais sans faire trop de bruit, des centres de santé supplémentaires sont en train de tranquillement s’imposer comme une forme d’exercice, certes minoritaire, mais de plus en plus prisée. Le plus paradoxal est que cette évolution se produit alors que, ni le gouvernement, ni les historiques du secteur ne se montrent plus que ça proactifs. Depuis cinq ans, une soixantaine de nouvelles structures salariées ont ainsi ouvert leurs portes,150 seraient aujourd’hui dans les cartons. Mais le militantisme n’est pas pour grand-chose dans ce printemps du salariat.

C’est dans la crise de la démographie médicale que ce mouvement prend évidemment racine. Et l’impatience des élus locaux a fait le reste, lassés qu’ils étaient de ne pas trouver de libéraux pour prendre la relève. Les mêmes avaient réclamé en vain une régulation des installations et, faute de mieux, ont préféré reconvertir leur local municipal en dispensaire. La dynamique a démarré dans une relative indifférence, ses adversaires vouant ces nouveaux acteurs municipaux à une faillite rapide, faute de troupes et de crédits. Sauf qu’un bon nombre se sont installés sans péricliter… Il y avait des gens… Il y avait des maladies… Et des toubibs pour les soigner…

Car l’autre clé de ce renouveau de la médecine salariée, c’est le pragmatisme. En la matière, celui des jeunes médecins rejoint celui des édiles, l’exercice en centres de santé collant plutôt bien avec les aspirations de la nouvelle génération de généralistes : un engagement à durée déterminée, la possibilité d’horaires aménagés et d’une couverture sociale décente, le travail en équipe… Certes, les structures qui éclosent ne sont pas toutes des plus innovantes en matière de projet de santé. Mais le challenge semble suffisamment attractif pour attirer des vocations. Jusqu’où ? C’est peut-être la question qu’il faut se poser. Car si le modèle devait s’étendre hors zones blanches, c’est à terme une partie du dispositif tarifaire, conventionnel et de protection sociale des libéraux, si patiemment échafaudé, qu’il conviendrait sans doute de repenser…

Jean Paillard, directeur de la rédaction

Source : lequotidiendumedecin.fr