C’est l’un des articles les plus techniques du budget de la Sécu (PLFSS) 2024, mais sans doute aussi l’un des plus concrets pour les médecins. Le gouvernement a décidé d’appuyer fortement sur l’accélérateur des parcours de soins coordonnés. Son objectif : passer de la logique expérimentale qui prévaut depuis cinq ans à une réelle transformation de l’exercice sur le terrain – partout et avec tous les volontaires.
En discussion au Parlement, l’article 22 du PLFSS inscrit dans le droit commun les organisations de soins innovantes dites « article 51 » (de loi Sécu 2018), dont le financement revêtait jusqu’ici un caractère expérimental car dérogatoire (lire ci-contre). En clair, étaient étiquetés « article 51 » ces financements collectifs (pour l'essentiel au forfait et non à l’acte) distribués à des équipes hospitalières, médico-sociales ou libérales impliquées dans la construction de parcours de soins innovants et habilités.
Catalogue
Afin de pousser les soignants à travailler davantage en équipe et en réseau – surtout les libéraux –, l'exécutif entend inscrire dans le marbre législatif les expérimentations déjà validées et celles à venir. Avec un nouveau nom : « parcours coordonnés renforcés ».
L’idée est d'intégrer les innovations dans un « catalogue » de parcours adaptés dans lesquels les médecins volontaires pourront piocher afin de les reproduire auprès de leurs patients, lorsque la prise en charge le nécessite. Le ministère a déjà identifié quatre parcours : l’obésité pour les patients en échec thérapeutique, la rééducation cardiaque en ville ; la rééducation respiratoire à domicile ; et les troubles du langage et de l’apprentissage chez les enfants. D'autres doivent suivre.
À la clé, de l’argent bien sûr, mais aussi du temps. « Prenons un cardiologue qui travaille en collectif et est rémunéré à l’acte, analyse Véronique Lacam, présidente du cabinet de conseil Proxicare. Demain, s’il le souhaite, lui et ses collègues seront payés au forfait pour suivre un patient tout au long de sa rééducation cardiaque. Le budget pourra servir à rémunérer un coordinateur externe, un professeur d’activité physique adapté, etc. Cet article 22 donne aux médecins la possibilité d’obtenir des financements au parcours qu’ils sollicitent depuis des années ». Les modalités d'organisation de chaque parcours ainsi que des prestations couvertes par ceux-ci seront prévues par arrêté.
Moulinette ministérielle
Au-delà des bonnes intentions, des interrogations sur le déploiement du dispositif demeurent. Qui concoctera le catalogue de parcours, lui aussi fixé par arrêté ? Les médecins et les sociétés savantes seront-ils associés ? Va-t-on vers des parcours par discipline ou par pathologie complexe ? Comment s'assurer que l'esprit et la créativité des projets initiaux ne seront pas broyés par la moulinette ministérielle ? Et si reste à charge il y a pour le patient, quelle sera l'implication des complémentaires santé ? La méthode interroge aussi. Dans l'Hémicycle, plusieurs députés ont contesté la « fixation unilatérale » de règles (organisationnelles et tarifaires) en provenance de Paris qui pourraient percuter les innovations du terrain.
Dernière inconnue : quelles structures seront habilitées à percevoir les financements ? Le texte de loi réclame des murs et la pratique du mécanisme de tiers payant. Maisons et centres de santé, établissements, Ehpad, pharmacies et cabinets infirmiers pourraient donc y prétendre naturellement. Pour les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les équipes de soins primaires (ESP) et spécialisées (ESS), il faudra attendre les règles du jeu définitives.
Amendé ou non, l'article 22 risque de marquer une étape clé dans la façon de concevoir l'organisation et le financement des soins, confirmant au passage la prise de distance des pouvoirs publics avec le paiement à l'activité et à l'acte.
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