Etonnez-nous Madame Touraine ! C’est le souhait qu’on formulerait volontiers, à l’intention de la ministre de la Santé, alors qu’elle doit faire lundi 10 février à Chalons-sur-Saöne le bilan du plan déserts médicaux qu’elle avait présenté en décembre 2012 dans la Vienne. Ce rendez-vous est d’autant plus attendu que ses prédécesseurs se sont tous attelés à ce chantier de la démographie médicale, sans vraiment parvenir à trouver la solution miracle à la crise.
Le plan Bertrand de janvier 2006 avait mis en avant le fameux « bonus » de rémunération en zone déficitaire, mais le dispositif mit beaucoup de temps à démarrer et la Cour des Comptes avait porté trois ans plus tard un jugement mitigé sur une innovation jugée coûteuse et finalement peu efficace, car ne modifiant qu’à la marge les intentions d’installation des uns et des autres.
Quant à Roselyne Bachelot, elle a surtout laissé son nom sur les fameux « contrats santé solidarité », qui proposaient aux médecins des zones bien pourvues des vacations en zones déficitaires : la version contraignante du mécanisme a disparu, ne reste qu’un dispositif incitatif qui n’aurait séduit, dit-on, qu’une dizaine de praticiens France entière !
La loi HPST est aussi à, l’origine des « contrats d’engagement de service public » (CESP), sorte de bourses étudiantes en échange d’engagement d’installation en zones blanches. Le mécanisme est aujourd’hui repris par la ministre actuelle, mais on évoque souvent à son propos un effet d’aubaine auprès de jeunes qui se seraient de toute façon installés en zones déficitaires. Il n’empêche, ça marche ! Et Marisol Touraine entend le faire savoir. Elle devrait notamment réitérer sa volonté d’en faire signer 1500 d’ici à 2017.
L’élargissement du CESP était l’un des 12 engagements de son « Pacte territoire santé » présenté il y a un peu plus d’un an, mais pas le plus emblématique. La mesure phare du plan Touraine tient en quatre lettres : PTMG ou praticiens territoriaux de médecine générale. A en croire, la ministre de la Santé, il y a un réel engouement des jeunes pour ce nouveau statut qui permet à des libéraux d’avoir un revenu minimum garanti en zones blanches et des avantages proches du salariat en matière de protection sociale maladie. Touraine en avait annoncé 200 pour 2013. Et elle entend doubler la mise pour passer à 400 en 2014.
[[asset:image:571 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["BURGER\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Moins originales, mais très intégrées à la politique gouvernementale: les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). En décembre 2013, Marisol Touraine s’est félicitée d’en avoir doublé le nombre en 18 mois avenue de Ségur. Il y en aurait donc presque 400 sur le Territoire contre une soixantaine seulement début 2011. Et la ministre assure que 500 projets sont dans les cartons pour les prochains mois ou les prochaines années. La semaine dernière, le ministère de la Santé a rajouté un élément d’attractivité au puzzle des MSP et ouvrant ces structures de soins primaires à la recherche clinique. Et quant aux centres de santé qui constituaient le point 12 du plan de décembre 2012, ils ont obtenu un principe d’équité sur les avantages conventionnels obtenus en médecine libérale.
Pour le reste, le référent-installation promis dans les ARS a été très vite mis en place dans toutes les Agences régionales de santé. La liste de ces responsables, qui ont pour mission d’orienter et accompagner les jeunes médecins qui souhaitent s’installer, a en effet été rendue publique il y a un an.
En revanche, certains points du « Pacte Territoire santé » tardent à se mettre en place. C’est en particulier le cas de la rémunération sur le travail d’équipe, qui sans être spécifique aux zones déficitaires, fait partie de la reconquête de ces territoires. Marisol Touraine voulait que ce soit mis en place en 2013. Et les négociations caisses-médecins n’auront lieu, au mieux que d’ici à l’été. En attendant, 150 nouvelles expérimentations de nouveaux modes de rémunération (ENMR) vont quand même être lancées.
Autre incertitude : le sort des ex-hôpitaux locaux, que le plan prévoyait de conforter. Certes, depuis ces derniers mois, le courant entre les acteurs de l’hôpital local –généralistes notamment- et le ministère de la Santé passe plutôt bien. Mais en région, certaines ARS ont continué de tailler dans les lits de ces mini-établissements, en faisant une variable d’ajustement commode pour les restructurations hospitalières…
Accès aux soins : que devient l’engagement du candidat Hollande ?
Dans son bilan du 10 février, Marisol Touraine devrait aussi faire le point sur deux axes forts de son « pacte » : développement de la télémédecine, accompagné par la loi de financement de la sécurité sociale 2014 et objectif 100% pour les stages en médecine générale. On attend surtout des précisions sur la concrétisation d’une des promesses de campagne de François Hollande : pour garantir un accès aux urgences à tout un chacun en moins de 30 minutes, elle devrait notamment en dire davantage sur le dispositif des généralistes correspondant de SAMU. Une collaboration pas si simple, alors que les relations entre libéraux et Samu n’ont jamais été aussi compliquées…
Au total, sur ce terrain des « déserts médicaux », Marisol Touraine risque d’avoir du mal à bouleverser la donne. Mais elle ne peut pas non plus se permettre de décevoir. D’abord parce que, à moins de deux mois des municipales, c’est un sujet archi-sensible électoralement. Ensuite, parce que sur ce dossier, elle se trouve mise de facto en concurrence, depuis la nomination de la généraliste Hélène Mandroux comme chargée de mission sur ce dossier, en ligne directe avec Matignon. Roselyne Bachelot avait connu la même situation, quand Elisabeth Hubert avait été désignée sur le même sujet par Nicolas Sarkozy. Une situation assez inconfortable pour un ministre de la Santé.
Paul Bretagne
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