Après Tati sans pipe, Coco Chanel sans cigarette

Des affiches censurées à tort

Publié le 23/04/2009
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SUR L’AFFICHE du film« Coco avant Chanel », Audrey Tautou, en pyjama de satin blanc, toise les passants, une cigarette à la main... Sauf dans le métro parisien, d’où cette publicité a disparu, comme la pipe de Jacques Tati quelques jours plus tôt (« le Quotidien » du 21 avril). La cibiche de la grande couturière vient d’être refusée, là encore au nom de la loi et toujours par Métrobus, la régie publicitaire de la RATP, alors que pour les autres afficheurs elle ne pose aucun problème. Sur les 5 800 affiches diffusées en France, les 1 100 destinées au métro et aux autobus de la capitale sont remplacées.

À propos de Tati, la Société des réalisateurs de films et le Syndicat de la critique de cinéma exigent une nouvelle campagne gratuite d’affichage, afin que réapparaisse la pipe caviardée. De son côté, l’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’homme anime une pétition en ligne pour le retrait de « la ridicule hélice jaune qui masque » l’objet indésirable de Monsieur Hulot.

« Je ne suis pas pour enlever la pipe à Jacques Tati ! », s’était exclamée Roselyne Bachelot. « On n’est pas dans (une) situation de publicité indirecte », condamnée par le législateur, « il s’agit d’un patrimoine qui s’inscrit dans notre culture cinématographique », affirme Claude Évin, auteur de la loi antitabac du10 janvier 1991.

« Expressions légitimes »

En d’autres termes, Métrobus aurait fait du zèle. Tati sans pipe, Coco Chanel sans cibiche, c’est du cinoche, non du droit. La législation ne fait qu’interdire la réclame, directe ou indirecte, et les opérations de parrainage. Une jurisprudence consignée dans le code de la santé publique stipule que « toute communication doit avoir comme objet ou effet d’inciter à la consommation de tabac » pour être frappée d’illégalité, explique au « Quotidien » le ministère de la Santé. Et d’ajouter que « les lignes directrices de la convention-cadre pour la lutte antitabac » de l’OMS, du 27 février 2005, « précisent que la mise en œuvre d’une interdiction de publicité ne doit pas interférer avec des expressions légitimes, qu’elles soient journalistiques ou artistiques ». Il n’ y aurait rien à craindre, en conséquence, pour le film « Serge Gainsbourg, vie héroïque » de Joann Sfar, en cours de production. À bon entendeur, bienvenue à Ginsbarre !

PHILIPPE ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr