Douleurs chroniques non cancéreuses

Des outils pour prévenir et prendre en charge la pharmacodépendance aux antalgiques

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Publié le 13/06/2019
dépendance

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Crédit photo : Phanie

Tous les analgésiques opioïdes peuvent induire une pharmacodépendance. Les médicaments concernés sont ceux du palier II (codéine, tramadol) et du palier III (morphine, buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone) de la classification de l'OMS. Outre les douleurs cancéreuses, les opiacés sont indiqués dans les douleurs résistantes aux autres classes pharmacologiques : notamment dans les douleurs par excès de nociception dont l'intensité est supérieure à 3 (sur 10) sur une échelle d'évaluation de la douleur. « Pour les douleurs dont le niveau est compris entre 3 et 6, nous prescrivons les opioïdes de palier II (et, au-delà de 6, ceux du palier III). La prescription d'antalgiques de niveau III doit s'effectuer dans le cadre d'une structure pluridisciplinaire, en établissant un projet et un contrat avec le patient (limitations de doses, et durée de traitement). Une évaluation psychologique et psychiatrique est également nécessaire. Enfin, le patient doit être suivi par un médecin au sein de la structure où l'opiacé a été prescrit », affirme le Pr Alain Serrie, chef du service de médecine de la douleur et de médecine palliative à l'hôpital Lariboisière. Dans les douleurs neuropathiques, les opiacés ne sont quasiment jamais indiqués.

Dépister le risque de dépendance avant le traitement

Au fur et à mesure de leur prise, les analgésiques opioïdes peuvent provoquer une accoutumance, mais aussi, une dépendance. « En cas d'accoutumance, le patient est souvent tenté d'augmenter les doses pour obtenir l'effet antalgique initial. La dépendance, quant à elle, se révèle à l'arrêt du traitement : le patient subit un syndrome de sevrage et il risque de reprendre le médicament alors que celui-ci n'est plus utile (par exemple, lorsque les douleurs ont disparu) », souligne le Pr Serrie.

Néanmoins, tous les patients ne sont pas prédisposés à la dépendance et à l'accoutumance. Avant toute prescription, le médecin devra rechercher une éventuelle prédisposition, par le biais de techniques simples, telles que le questionnaire rapide, intitulé ORT (Opioid Risk Tool), qui permet de dépister les patients ayant un comportement addictif (antécédents d'abus de drogues et/ou d'alcool, d'agressions physiques, sexuelles ou autres, troubles psychologiques). « Lorsque nous dépistons un patient à risque de dépendance, nous essayons de trouver des alternatives aux opioïdes pharmacologiques (tricycliques, ziconotide, kétamine…) et/ou non pharmacologiques (hypnose, méditation de pleine conscience, stimulation magnétique transcrânienne…). Lorsque nous n'avons pas d'autres possibilités que les opiacés pour soulager les douleurs du patient, nous les lui prescrivons tout en lui proposant une surveillance médicale resserrée », indique le Pr Serrie.

Ajuster le traitement en cas de pharmacodépendance

La surveillance des patients sous antalgiques opioïdes doit également être réalisée en cours de traitement. Un autre questionnaire, le POMI (Prescription Opioid Misuse Index) permet d'identifier, les patients développant une pharmacodépendance. Notamment, les patients prenant des doses plus importantes que celles prescrites ou ceux qui recherchent l'aspect euphorique ou anxiolytique des opiacés. « Lorsque nous dépistons une dépendance naissante, nous pouvons, parfois arrêter ou diminuer progressivement le traitement, tout en y associant d'autres traitements médicamenteux ou non médicamenteux, précédemment cités. Dans la grande majorité des cas, ces ajustements permettent de sortir les patients de la pharmacodépendance. Dans certains cas, le suivi par un addictologue peut être nécessaire », assure le Pr Serrie. L'ORT et le POMI sont des tests rapides (effectués en moins d'une minute) et efficaces : « ils ne sont pas assez connus des services hospitaliers français. Or leur utilisation permet d'éviter de passer à côté d'un risque de pharmacodépendance aux antalgiques », conclut le Pr Serrie.

Hélia Hakimi-Prévôt

Source : Le Quotidien du médecin: 9757