La surprise d’une étude d’association génomique

Un gène commun à l’autisme et à l’alcoolodépendance

Publié le 05/04/2011
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L’ANALYSE des facteurs génétiques ou environnementaux régulant la consommation d’alcool est complexe car il existe un grand nombre de variations, par exemple dans le temps au cours même de la vie de l’individu, ou en fonction des populations. Pour contourner cette difficulté, un consortium de chercheurs, en majorité européens (avec la participation de plusieurs auteurs français), a adopté une approche combinant une étude GWAS, portant sur environ 2 millions et demi de SNP*, à des études fonctionnelles.

Les données de la GWAS ont été recueillies chez 26 316 personnes (12 groupes de population d’ascendance européenne) dont 21 607 buvant de l’alcool (de 0,09 à 0,24 g/j chez les hommes et de 0,02 à 0,16 g/j chez les femmes). Une première série de SNP d’association majeurs (top-ranking) à la consommation d’alcool a été identifiée. Parmi les variations génétiques de second et troisième rangs, soit celles découvertes en dehors des régions des SNP majeurs, l’une était localisée au niveau du gène AUTS2 (autism susceptibility candidate 2), le seul des gènes concernés dans cette étude à avoir préalablement été mis en cause dans des troubles du comportement.

Une valeur d’association significative.

Lors des études de réplication ayant inclu 21185 sujets supplémentaires, les auteurs ont examiné les valeurs significatives (avec un seuil placé à 1,8x10-3) de sept SNP sélectionnés (à proximité des gènes OTUD, RASGRF2, CDYL, AUTS2, CPA6, NETO1 et SDCBP2). Ils ont alors découvert que le SNP rs6943555 proche du gène AUTS2 était le seul à atteindre une valeur d’association significative à l’échelle du génome entier. Dans les cohortes de réplication de consommateurs d’alcool, cette variation génique est associée à 5,5% des consommations les plus basses.

C’est donc AUTS2 qui a été sélectionné pour les études génétiques fonctionnelles, réalisées à la fois chez l’homme et dans des modèles animaux. La PCR quantitative sur des tissus humains ex vivo a permis d’identifier l’expression de ce gène dans 96 échantillons de cortex préfrontal. Le rôle du gène AUTS2 dans le renforcement des conduites alcooliques a ensuite été étudié au niveau d’échantillons de tissus cérébraux de sept modèles murins différant quant à la consommation volontaire d’alcool. Enfin, les chercheurs montrent que la régulation négative de l’homologue tay du gène AUTS2 chez la mouche drosophile se traduit par une réduction de la sensibilité à l’alcool (p<0,001).

Quelles conclusions tirer de ces résultats? Tout d’abord, il existe une forte association, significative à l’échelle du génome, entre le gène de susceptibilité à l’autisme et la consommation d’alcool. Ensuite, les études génétiques fonctionnelles apportent quelques lumières sur les fondements biologiques de cette association. Le gène AUTS2, récemment associé aux troubles déficitaires de l’attention/hyperactivité (TDAH), lui-même mis en relation (chez l’adulte) avec une dépendance alcoolique, est exprimé au niveau des neurones dopaminergiques striataux (impliqués dans le sytème de récompense). L’étude de l’équipe de Paul Ellliott confirme ces observations en suggérant le rôle du gène AUTS2, chez l’homme comme chez l’animal, dans le renforcement primaire des conduites alcooliques.

Schumann G., Elliott P. et coll. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

* SNP: polymorphisme d’un seul nucléotide

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8938