En 2015, l'âge médian des personnes vivant en France avec le VIH (PVVIH) était de 49,7 ans, selon les données combinées des cohortes nationales Aquitaine, ANRS CO3, et de la FHDH ANRS CO4. Grâce aux progrès des traitements antirétroviraux, les patients ont désormais le temps de vieillir, mais dans quel état de santé général ?
« Le vieillissement pèse beaucoup sur ces patients. Les cancers, la BPCO et les pathologies cardiovasculaires sont des comorbidités bien plus nombreuses que dans la population générale », analyse Franck Barbier, responsable santé de l'association AIDES. Et pour cause : le vieillissement de la population séropositive s'accompagne de la présence de plusieurs facteurs de risque, notamment cardiovasculaires. Selon les données de juillet 2017 de la cohorte, un tabagisme actif est rapporté chez 43,2 % des sujets, contre seulement un tiers des individus dans la population générale, une hypertension artérielle est présente chez 47,9 % des sujets (dont seulement la moitié est traitée) et une dyslipidémie (traduite par un taux de LDL-cholestérol supérieur à 160 mg/dL) chez 20,2 % des PVVIH. Lors de l'étude Vespa2, en 2013, une consommation alcoolique excessive concernait 16 % des personnes suivies, contre 7 % dans la population adulte générale selon l'OFDT.
Qu'en est-il de l'impact sur la santé cardiovasculaire ? En 2014, 11,1 % des PVVIH avaient déjà présenté au moins un évènement cardiovasculaire parmi lesquels une coronaropathie (6,5 %), un accident vasculaire cérébral (3,1 %), ou une artériopathie (4,6 %). Le risque de décès.......
Le cancer en pleine mutation
Selon la cohorte, un total de 11,5 % ont développé un cancer au cours de leur suivi. À l'occasion de la 2em journée nationale du réseau ONCOVIH, le Dr Sophie Grabar, de l'unité « Biostatistique et épidémiologie clinique » de l'hôpital Cochin (AP-HP) souligne constat le recul des « cancers classant sida » et la progression des cancers non classant, notamment les cancers viro-induits (foie, anus). « Le sarcome de Kaposi reste 300 fois plus fréquent qu'en population générale, et le lymphome malin non hodgkinien 9 fois plus fréquent », insiste toutefois le Dr Grabar. Du côté des cancers non classant sida, le cancer du foie est désormais 11 fois plus fréquent que dans la population générale et se déclare 10 ans plus tôt en moyenne.
Pour le Pr Jean-Philippe Spano, chef de service d'oncologie à la Pitié Salpêtrière (AP-HP), les caractéristiques des cancers des patients VIH et de la population générale tendent quand même à se rejoindre. « Dans les années 2000, les personnes vivant avec le VIH présentaient des stades plus avancés et des pronostics plus péjoratifs, se souvient-il. Grâce aux campagnes de suivi, de dépistage et aux réunions de concertations pluridisciplinaires, la présentation clinique est maintenant la même et les survies sont de plus en plus proches, surtout pour les cancers du poumon. »
La santé mentale en question
Autre point important dans une population vieillissante : les troubles neurologiques et la santé mentale. Pour l'épidémiologiste Dominique Costagliola, « les données de la littérature indiquent un risque de troubles mentaux plus élevé, y compris chez ceux nouvellement diagnostiqués », reconnait-elle. Une dépression était renseignée chez 12,8 % des sujets de la cohorte Aquitaine. « Le suicide est la première cause de décès des malades de moins de 50 ans », complète Franck Barbier. Aujourd'hui, les plaintes mnésiques sont plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH, comme l'attestent les données issues de la cohorte des vétérans américains.
Le Dr Jacques Gasnault, responsabe d'un service dédié à la neurologie de l'infection à VIH (hôpital Kremlin Bicètre, AP-HP) avance plusieurs explications : « une activité insuffisante des antirétroviraux dans le système nerveux central, phénomène très rare ; une séquelle d'infections opportunistes plus anciennes ou l'usage des psychotropes ». À cela, il faut aussi ajouter l'augmentation du risque microvasculaire.
Toutefois, le phénomène doit être relativisé : il y a 25 ans, des manifestations neurologiques ou neuropsychiatriques étaient observées chez 50 à 80 % des patients séropositifs.
Le vieillissement des PVVIH s'accompagne de pathologies plus fréquentes et observées à un âge plus précoce par rapport à la population générale. Les experts s'accordent sur le fait que cet écart devrait se réduire au fil du temps.
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