Un avis du Comité d’éthique et cancer

La prison entrave la prise en charge

Publié le 17/01/2013
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Crédit photo : AFP

LE CAS, à l’origine de la saisine, est « à bien des égards dramatique », note l’organe consultatif qui peut être saisi à tout moment par toute personne physique ou morale sur une question d’ordre éthique en relation avec la pathologie cancéreuse. Un jeune homme de 27 ans a été hospitalisé au centre de neurologie de l’hôpital Pierre Wertheimer à Bron (Lyon) à la fin octobre 2011. Les médecins lui ont diagnostiqué un gliome du tronc cérébral. « La tumeur est importante, pourtant elle n’a été révélée qu’à son arrivée à l’hôpital, malgré les soins donnés par l’administration pénitentiaire où il était détenu depuis avril 2011. Aujourd’hui, ce jeune homme est décédé. Selon ses propos, rapportés par son entourage, son état de souffrance n’a pas alerté le service médical du centre de détention pour que celui-ci fasse le nécessaire afin de lui faire bénéficier d’une prise en charge de ses symptômes ».

Horaires d’ouverture.

Le comité, qui s’est interrogé sur les conditions d’incarcération et ses conséquences en terme de perte de chance (diagnostic et prise en charge) pour un patient atteint de cancer, a auditionné plusieurs personnalités de l’institution pénitentiaire*. Tout en rappelant que « le seul droit dont est privée une personne emprisonnée est la liberté », le comité souligne les difficultés dans l’accès et la mise en œuvre des soins. Ainsi dans les situations d’urgence, la demande de consultation doit être relayée par le personnel pénitentiaire. « Or, si la formation du personnel de surveillance comporte un module de sensibilisation à la prise en charge sanitaire, celle-ci reste sans doute insuffisante puisque la santé ne relève pas de la mission première du personnel pénitentiaire ».

Le comité constate « qu’un obstacle supplémentaire » se pose dans l’accès aux soins lorsque la demande de soins intervient en dehors des horaires d’ouverture de l’unité de consultations et de soins ambulatoire (UCSA) de l’établissement. Faire appel à un professionnel de santé extérieur occasionne des délais d’intervention parfois longs. Ces difficultés d’accès aux soins « constituent une discrimination par rapport aux personnes en liberté et pourraient comporter une perte de chance pour le détenu », estime le comité. D’autant que les troubles psychiatriques, fréquents au sein de la population carcérale, compliquent les rapports entre les personnels et les détenus. Parmi les solutions préconisées, le comité suggère que les détenus puissent avoir un accès direct au personnel soignant de l’UCSA. Les UCSA pourraient ainsi établir « des plages horaires de consultations sans rendez-vous préalable ». Dans les cellules, la mise en place d’un dispositif d’appel permettrait de signaler toutes les situations d’urgence médicale. En outre, dans le cas où une demande de consultation médicale d’un détenu ne serait pas répercutée « sans délai », il faudrait le considérer comme une faute professionnelle.

Fin de vie.

Autre sujet d’inquiétude, l’absence de données statistiques sur l’évolution de l’état de santé des détenus et sur l’activité de soins en milieu carcéral. « Cette absence d’informations ne permet pas la transparence requise et entrave l’adoption de mesures adaptées aux éventuelles anomalies, si elles existent », regrette le comité. Les ministères de la Justice et de la Santé doivent s’atteler à établir « un recueil de données sur l’activité médicale au sein des établissements et sur l’état de santé des détenus, non seulement à leur entrée en prison mais également tout au long de leur incarcération ». Enfin, s’agissant des détenus malades en fin de vie qui ne peuvent pas bénéficier d’une suspension de peine, le comité demande que les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) puissent leur permettre d’avoir accès « à l’éventail des soins palliatifs comme tout autre malade en liberté ».

*Dr Dominique de Galard, conseillère santé auprès du directeur de l’administration pénitentiaire, Benoît Grandel, adjoint au sous-directeur des personnes placées sous main de justice à la direction de l’administration pénitentiaire, le Dr Betty Brahmy, praticien hospitalier, psychiatre, contrôleur auprès du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et François Bes, coordinateur santé à l’Observatoire international des prisons.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9210