Dix ans d’utilisation

La tolérance des biothérapies toujours surveillée

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Publié le 15/01/2018
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L’arrivée des traitements biologiques a totalement modifié la prise en charge des patients atteints de psoriasis modéré à sévère. Depuis 2012, l’anti-IL 12/IL 23 (ustékinumab), puis plus récemment les deux anti-IL 17 (séculinumab et ixékizumab) sont venues rejoindre les anti-TNF alpha (étanercept, infiximab, adalimumab), qui ont été, depuis le début des années 2000, les seules biothérapies prescrites dans les maladies cutanées.

Un dépistage des cancers cutanés

En ce qui concerne le risque de cancer cutané, longtemps suspecté, les données colligées de 11 registres européens sur les biothérapies prescrites au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ne mettent pas en évidence de surrisque, notamment de mélanome, par rapport aux traitements classiques. Ces résultats sont également observés pour la survenue de lymphomes systémiques, qui ne semble pas différer chez les patients atteints de PR traités par anti-TNF ou par traitements conventionnels (cohorte anglaise BSRBR-RA).

« En pratique, la prescription de traitements biologiques est contre-indiquée en cas de cancer de moins de 5 ans (sauf cancer in situ du col utérin ou carcinome cutané, mélanome exclu). Sous traitement biologique, adapter le suivi du patient : consultation annuelle ou tous les deux ans, en fonction de son phototype, des naevi », a expliqué la Dr Émilie Sbidian (Créteil).

Infections : la tuberculose avant tout

Quant au risque infectieux, il existe indéniablement un surrisque de tuberculose (TB) (multiplié par 5), nettement amélioré toutefois par le dépistage systématique, mais quelques cas ont été rapportés. « Il faut rester vigilant sur le dépistage et le risque de survenue de TB maladie sous biothérapie », souligne la Dr Sbidian.

Plusieurs autres travaux (registre PsoNet, cohorte BADBIR) se sont en outre intéressés au risque d’infections sévères non tuberculeuses et ne retrouvent pas de différence entre les traitements classiques et les biothérapies. Il en est de même pour le zona, qui ne semble pas plus fréquent sous biothérapie que sous traitement classique. L’adjonction d’un traitement par corticothérapie ou l’association de traitements semblent en revanche être des facteurs de risque.

En ce qui concerne l’hépatite B, les patients séropositifs sous anti-TNF ont un risque de réaction virale de l’ordre de 40 % : une prophylaxie antivirale (lamivudine ou entecavir) est recommandée, à débuter deux semaines avant la mise en route de la biothérapie et à poursuivre un an après l’arrêt de la biothérapie. En revanche, il n’y a pas de réactivation virale en cas d’hépatite C, et pas d’adaptation à faire.

Enfin, l’IL 17 étant très impliquée dans l’immunité antimycosique, un surrisque infectieux cutaneomuqueux à Candida est attendu et surveillé sous anti-IL 17.

Des facteurs de risque cardiovasculaire à maîtriser

Les dernières données de la cohorte PSOLAR, portant sur 7 550 patients dont 6 767 traités par biothérapie (3 949 sous anti-TNF et 2 818 sous ustekinumab) ne montrent pas de différence d’évènements cardiovasculaires selon le traitement, pour des populations sélectionnées. Des études sur population générale sont en cours. Chez des sujets à risque cardiovasculaire, il est conseillé de contrôler les facteurs de risque (hypolipémiants) avant la prescription d’ustekinumab et d’anti-IL 17.

Suicide, maladie de Crohn

« Par ailleurs, un risque de dépression avec tentatives de suicide est apparu dans des essais cliniques avec le brodalumab, qui est actuellement surveillé dans un plan de gestion de risque (PGR) de la Food and Drug Administration (FDA). Des cas d’apparition de maladie de Crohn de novo ont également été rapportés chez des patients traités pour un psoriasis par anti-IL 17. Ce risque désormais attendu est surveillé par un PGR », a expliqué la Pr Marie-Aleth Richard (Marseille).

Populations fragiles

Il existe peu de données chez les enfants. Les premiers résultats sont rassurants, avec une bonne tolérance d’un point de vue infectieux. « La vaccination antigrippale et contre la varicelle sont toutefois recommandées », a déclaré le Dr Emmanuel Mahé (Argenteuil). Il en est de même chez les personnes âgées, chez qui il ne semble pas exister de surrisque.

« Chez les femmes ayant un désir de grossesse, il faut préférer un anti-TNF à demi-vie courte, et proposer l’arrêt du traitement (surtout au dernier trimestre), préconise le Dr Mahé. Il ne faudra pas administrer de vaccins vivants atténués (BCG) avant 6 mois chez l’enfant ».

D’après la session « Tolérance des traitements biologiques dans le psoriasis »

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin: 9631