DE NOTRE CORRESPONDANTE
« Les essais cliniques et les études de cas indiquent que le jeûne pendant jusqu’à trois jours en association avec la chimiothérapie est sans risque », précise au « Quotidien » le Dr Valter Longo (University of Southern California, Los Angeles) qui a dirigé l’étude. Il prévient toutefois que ces études n’ont pas enrôlé certains patients. « Il est probable que le jeûne n’est pas sans risque chez les patients ayant déjà perdu plus de 10 % de leur poids normal, ou les patients ayant d’autres facteurs de risque comme le diabète. » Le jeûne peut aussi provoquer une chute de tension et des céphalées, ce qui pourrait rendre dangereuses certaines activités comme la conduite.
« En attendant les résultats des essais cliniques, le message à retenir pour les cancérologues est de considérer ces résultats et décider si, en fonction de chaque cas particulier et des options disponibles, il est raisonnable de suggérer le jeûne au patient. »
De précédents travaux avaient montré qu’une courte période de jeûne peut protéger les cellules normales, les souris - et peut-être les patients - des effets toxiques d’une variété d’agents chimiothérapeutiques. Le jeûne protège les cellules normales, qui réattribuent l’énergie vers les voies d’entretien, mais il ne protège pas les cellules cancéreuses. Cette résistance au stress différentielle (DSR), déclenchée par la réduction du glucose extracellulaire et la baisse du signal IGF-1, pourrait être exploitée pour le traitement du cancer.
Mais le jeûne augmente-t-il aussi le décès des cellules cancéreuses ? Son potentiel thérapeutique pourrait alors être encore plus grand.
Lee, Longo et coll. ont étudié l’effet du jeûne sur la survie des cellules cancéreuses, en présence ou absence des chimiothérapies. Les résultats de leur étude, publiés dans la revue « Science Translational Medicine », sont prometteurs.
Dans des expériences in vitro, consistant à incuber des lignées cellulaires de différents types de cancers (5 lignées murines, 13 lignées humaines) dans du sérum provenant soit de souris alimentées soit de souris à jeun depuis deux jours, il apparaît que le jeûne sensibilise 15 des 17 lignées de cellules cancéreuses à la doxorubicine (DXR) et au cyclophosphamide (CP).
Chez la souris portant des tumeurs sous-cutanées de cancer du sein, de mélanome ou de gliome, le jeûne (2 cycles) sans chimiothérapie peut ralentir la croissance tumorale, aussi efficacement que deux cycles de chimio (CP ou DXR) dans certains cas.
L’effet thérapeutique du jeûne est toutefois supérieur lorsqu’il est associé à la chimiothérapie. Le jeûne (2 cycles) augmente l’efficacité de la chimiothérapie (CP ou DXR) contre des cellules cancéreuses du sein, du mélanome, du gliome. De plus, il permet d’administrer aux souris des doses supérieures, normalement létales, de chimiothérapie.
Le jeûne (2 cycles) combiné à la chimiothérapie allonge la survie à long terme sans cancer et permet ainsi de guérir 40 % des souris ayant un neuroblastome métastatique, et 25 % des souris ayant un autre type de neuroblastome métastatique plus avancé, alors que la mortalité est de 100 % dans les deux cas chez les souris traitées par chimiothérapie seule.
Le mécanisme d’action du jeûne a été éclairci sur une lignée cellulaire de cancer du sein. Tandis que les cellules normales privées de nutriments entrent dans un état dormant similaire à l’hibernation, les cellules cancéreuses à jeun cherchent à fabriquer de nouvelles protéines pour continuer de grandir et de se diviser, ce qui entraîne une cascade d’événements (phosphorylation accrue des kinases AKT et S6 sensibilisant au stress, stress oxydatif accru, clivage de la caspase-3), aboutissant au dégât d’ADN et à leur mort cellulaire par apoptose.
« Au lieu de chercher des médicaments qui tuent spécifiquement les cellules cancéreuses, une façon de lutter contre le cancer pourrait être de les désorienter en créant des environnements extrêmes tel que le jeûne, vis-à-vis duquel seules les cellules normales sont capables de répondre rapidement », explique le Dr Longo.
Des essais cliniques de phase I évaluant des jeûnes de courte durée (2 jours avant la chimiothérapie, 1 jour après) pendant la chimiothérapie des patients cancéreux ont débuté à la Mayo Clinic aux États-Unis, à l’université de Leiden aux Pays-Bas, et à l’USC Norris Cancer Center de Los Angeles. Ce dernier essai porte sur des patients ayant des cancers du sein, de l’ovaire et des voies urinaires, et les résultats de phase I, évaluant seulement la sécurité, seront disponibles dans deux à trois mois.
Lee et coll. Science Translational Medicine, 8 février 2012.
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