L’immunonutrition

Quelle place en chirurgie carcinologique ?

Publié le 22/10/2010
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« L’immunonutrition correspond à l’ajout de nutriments dans un mélange nutritif de nutrition orale, entérale ou parentérale, pour leurs propriétés propres, sans prendre en compte l’apport calorique ou, éventuellement, protidique », explique le Dr Marie-Noëlle Falewee. Ces substrats sont azotés (glutamine, arginine) et lipidiques (acides gras polyinsaturés [AGPI] de la série oméga 3). La glutamine améliore la trophicité intestinale et les fonctions immunitaires, diminue la réponse inflammatoire, préserve les défenses antioxydantes de l’organisme et a un effet favorable sur l’insulinorésistance lors de l’agression. L’arginine a une action immunomodulatrice et hormonale. Les AGPI modifient le contenu membranaire et favorisent la production de médiateurs lipidiques. Pour les apports lipidiques, il est important d’avoir un équilibre entre les AG à chaîne courte, moyenne et longue, « qui ont chacun un rôle », indique le Dr Falewee. Des antioxydants peuvent également être utilisés en immunonutrition.

Modifications métaboliques chez l’hôte

La tumeur se comporte comme un organisme agressif. Elle est responsable de modifications métaboliques chez l’hôte caractérisées par une consommation majeure des lipides et des glucides, et par des modifications de la néoglucogenèse. La chirurgie ajoute une nouvelle agression chez des patients qui présentent déjà une diminution de leurs réserves du fait de la tumeur et, souvent, un état de dénutrition important. Elle a aussi des conséquences métaboliques avec, notamment, une augmentation de la consommation énergétique globale.

Les recommandations

Administrée 7 jours avant l’intervention et 7 jours après, l’immunonutrition permet de réduire les complications infectieuses et de diminuer la durée moyenne d’hospitalisation chez des patients dénutris atteints d’un cancer digestif, confirme trois métaanalyses. Son efficacité a également été démontrée chez les patients normonutris ayant bénéficié d’une immunonutrition uniquement en préopératoire. Ces données ont conduit la Société française de chirurgie digestive à recommander cette thérapeutique orale pour « tout patient, dénutri ou non, devant subir une chirurgie digestive pour cancer ». En France, l’immunonutrition est prise en charge uniquement dans cette indication. Elle doit être intégrée dans le principe de réhabilitation rapide, précise le Dr Falewee. « Dans les autres chirurgies, notamment ORL et gynécologiques, les résultats des métaanalyses ne sont pas concluants ».

On évolue actuellement vers une utilisation plus spécifique de substrats dans le cadre d’une alimentation parentérale. Dans ses recommandations 2009, l’European Society of Parenteral and Enteral Nutrition « ne donne qu’un niveau de preuve C » pour les oméga 3 et pour la glutamine, et « confirme l’importance d’une réutilisation le plus précoce possible du tube digestif en totalité ou partiellement ». Selon une métaanalyse de 24 études menées chez des patients en soins intensifs, les oméga-3 sont les seuls pharmaconutriments associés à une réduction des infections.

Recherche clinique

Trop de métaanalyses et de publications concernent des études randomisées de phase II, d’où « des biais permanents dans les résultats », note le Dr Pierre Senesse, qui évoque des problèmes dans le dépistage de la dénutrition chez les patients cancéreux. D’après une enquête française, 50 % des oncologues méconnaissaient le critère de dénutrition majeur qu’est la perte de poids (Spiro A, 2006). Dans le cadre de la recherche clinique, l’immunonutrition entérale par glutamine a donné des résultats intéressants dans la prévention de la neuropathie induite par l’oxiplatine. Quatre études de phase III sont en cours : la CHIMIODIET Study dans le cancer colorectal, deux études dans les cancers des voies aérodigestives supérieures, dont l’une pour le traitement préventif des mucites aiguës sévères (IMPATOX), et une étude avec Clinutren PROTECT en prévention de la toxicité chimio-induite dans les cancers digestifs.

Eurocancer 2010. D’après les communications des Drs Marie-Noëlle Falewee (centre Antoine Lacassagne, Nice) et Pierre Senesse (centre Val-d’Aurelle, Montpellier).

Dr Catherine Faber

Source : Nutrition