Cancérologie

Séquençage du génome : une pratique déjà automatique au Royaume-Uni

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Publié le 16/02/2024
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Grâce à l’entreprise publique Genomics England, le Royaume-Uni a pu développer la recherche dans le séquençage génomique en cancérologie tout en intégrant son usage directement dans le système de soins.

L’identification des mutations génétiques tumorales permet de cibler des traitements et d’améliorer la prise en charge

L’identification des mutations génétiques tumorales permet de cibler des traitements et d’améliorer la prise en charge
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Dans la course au séquençage du génome, les Britanniques ont une longueur d’avance. Publiée en janvier dans Nature Medicine, une étude portée par le National Health Service (NHS) et Genomics England rapporte les résultats de son intégration au parcours de soins. L’analyse des données de plus de 130 000 participants atteints d’un cancer, dans le cadre du projet 100 000 génomes, a montré comment l’identification des mutations génétiques des tumeurs permet de cibler des traitements et d’améliorer la prise en charge.

« Le séquençage du génome est une révolution qui se produit dans le monde entier, mais nous avons été les premiers à mettre en forme nos résultats », estime le Dr William Cross, chercheur en biologie du cancer à l’Université de Westminster et l’un des auteurs de l’étude.

« Nous montrons comment la génomique du cancer peut être intégrée dans les soins courants au sein d'un système de santé national et les avantages que cela peut apporter aux patients », précise pour sa part la Dr Nirupa Murugaesu, l’autrice senior oncologue au Guy’s and St Thomas’ NHS Foundation Trust. En couplant les données cliniques à long terme et les données génomiques, l’étude britannique crée une ressource afin d’aider les cliniciens à mieux prédire l’évolution et à adapter les traitements.

Toute une infrastructure mise en place

Lancé en 2015, le projet pilote avait vocation à être « transformatif » dans la façon d’implémenter la technique en pratique. L’intérêt de l’étude, selon William Cross, était de montrer comment les infrastructures ont été mises en place. « Nous avons réfléchi aux logiciels à utiliser, à la façon d’organiser un rapport de données pour que les médecins puissent facilement accéder à celles dont ils ont besoin », explique le spécialiste.

Le projet a été finalisé en 2019. « En 2020, c’est devenu automatique dans le parcours de soins pour certains types de cancer, poursuit le chercheur. C’est le cas du sarcome ou de maladies pour lesquelles nous sommes en déficit de soin, justement pour essayer de mettre en place des essais médicamenteux sur la base des résultats du séquençage. »

En France, le remboursement se fait attendre

Si les Britanniques sont en avance, des initiatives similaires se développent ailleurs dans le monde. « Les États-Unis ont créé un institut national de recherche, précise William Cross. Mais contrairement à ce que nous faisons, il n’a pas vocation à fournir du séquençage pour un usage direct dans les hôpitaux. »

La force de l’initiative britannique est de reposer sur le projet de recherche gouvernemental 100 000 génomes

En France aussi le séquençage du génome est déjà utilisé dans certains types de cancer, mais il n’est pas encore pris en charge par l’Assurance-maladie. L’équivalent du projet anglais, le Plan France Médecine Génomique 2025, est une initiative publique lancée en 2016. L’objectif était de déployer la médecine génomique directement dans le cadre du soin en mettant en place des infrastructures. Selon la coordinatrice Frédérique Nowak, ce qui fait la différence outre-manche, c’est le projet de recherche gouvernemental 100 000 génomes, lancé en 2012 et déployé par le biais de Genomics England. « La Suède et le Danemark en sont au même niveau que nous, alors que l’Allemagne vient tout juste de commencer », fait-elle remarquer.

« Pour le moment, nous avons deux laboratoires de séquençage, un centre de référence et d’expertise, qu’on appelle le Crefix, et un collecteur analyseur de données, le tout financé par l’État », précise Frédérique Nowak.

Des collaborations en Europe

Établir le séquençage du génome pour un patient est possible en France, à condition de remplir certains critères, mais le remboursement tarde. « Des pré-indications cliniques bien définies ont été proposées par des professionnels de santé par le biais d’un groupe de travail piloté par la Haute Autorité de santé », poursuit-elle. Il en existe 70 : huit en cancérologie, deux dans le cas de prédisposition héréditaire au cancer et 60 pour les maladies rares. « Depuis 2020, un parcours du soin s’est mis en place avec des réunions de consultation pluridisciplinaire en amont du séquençage pour vérifier et valider que le cas répond bien aux pré-indications. », rapporte-t-elle. Les laboratoires sont pour l’instant financés par le ministère de la Santé.

Des accords ont été passés entre le Plan France Médecine Génomique 2025 et Genomics England ainsi que d’autres structures nationales pour partager les expériences, les évaluations médico-économiques et mutualiser les résultats. L’initiative 1+ million de génomes permet aussi l’accès sécurisé à des données cliniques sur le génome dans toute l’Europe dans le but d’effectuer de la recherche, d’établir des soins de santé personnalisés et d’élaborer des politiques de santé.


A. Sosinsky et al, Nature Medicine, 2024. 30, 279–289 


Source : Le Quotidien du Médecin