Image corporelle et sexualité après un cancer

Une reconstruction essentielle

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Publié le 13/04/2017
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« Le traumatisme de l'annonce du cancer entraîne une sidération : les patients ne peuvent comprendre, ni entendre les explications des soignants sur leur sexualité, lors de l'annonce de la maladie. Les traitements imposent, par ailleurs, beaucoup de déplacements et de temps aux patients. Ce qui les rend indisponible, momentanément », affirme la Dr Nadine Grafeille, sexologue à Bordeaux. L'implication du patient dans sa réhabilitation corporelle et sexuelle est indispensable. Pour pouvoir s'adapter à la nouvelle situation qu'implique sa maladie et pour pouvoir changer, il doit faire preuve d'une réelle motivation. « Dans ce cadre, notre rôle en matière d'information est primordial : nous devons permettre au patient d'accéder aux techniques diverses et à l'apprentissage du changement », souligne la Dr Grafeille.

Comme l'ont indiqué de multiples experts et, notamment la Dr Françoise Dolto, l'image du corps est une entité clinique complexe. C'est une somme de plusieurs éléments : ce que l'on voit dans le miroir ; ce que l'on ressent ; ce que les autres voient ; ce que l'on pense que les autres voient et également, ce que les normes de notre société nous imposent. « L'apparence du corps est devenue primordiale car dans les interactions sociales, nous sommes tous à la recherche de la conformité et de la beauté. Cette dernière est devenue un critère de santé quels que soient l'âge et le sexe du patient », note la Dr Grafeille.

Des perturbations esthétiques et sexuelles multiples

Or, sur le plan de l'image du corps, tout traumatisme corporel modifie l'image que l'on a de soi et cela crée une blessure narcissique et un sentiment d'injustice, à l'origine d'une interrogation fréquente : comment plaire lorsque l'on se perçoit indésirable et « anormal » ? « Tous les cancers à localisation sexuelle chez l'homme et la femme sont concernés, mais aussi ceux à localisation régionale (vessie, rectum, visage…). Pour les personnes atteintes d'un cancer, la fatigue, la perte ou la prise de poids, la perte de cheveux, les cicatrices et l'humeur labile font partie des changements qui retentissement sur le corps et la sexualité. Le (la) partenaire du patient doit être inclus(e) dans la prise en charge thérapeutique et l'équipe soignante doit informer des limites (médicamenteuses et chirurgicales) de la récupération esthétique et sexuelle. L'atteinte à l'intégrité corporelle est vécue de façon plus ou moins grave selon les patients. En matière de récupération esthétique et sexuelle, nous devons respecter les souhaits de chacun, dans la mesure du possible », confie la Dr Grafeille. Les perturbations sexuelles les plus fréquentes chez le patient cancéreux sont les troubles du désir, l'anorgasmie, les troubles de l'érection et de l'éjaculation, les dyspareunies et le vaginisme.

Une prise en charge globale

La reprise de la sexualité -lorsqu'elle est possible et souhaitée- redonne confiance en la récupération de l'image du corps. « Il est important, pour le patient, de réinscrire une zone de plaisir et de désir dès qu'il s'en sent capable. Nous devons prendre le temps d'informer correctement les patients sur les moyens d'atteindre cet objectif », indique la Dr Grafeille. La prise en charge thérapeutique peut comprendre la chirurgie esthétique, la kinésithérapie, les massages, les soins esthétiques et les cosmétiques. Les conseils alimentaires et sportifs (activité physique adaptée) sont également très importants dans le processus de reconstruction de l'image corporelle. « Les techniques centrées sur le corps, la relaxation, l'hypnose et les thérapies cognitives et comportementales peuvent aussi être d'une grande aide pour le patient. Chez la femme, les lubrifiants constituent une aide pour qu'elle reprenne contact avec son vagin car les lésions vulvaires sont, souvent, sous-estimées. Je traite également l'anxiété et la dépression par des médicaments. Et, je n'hésite pas à conseiller des compléments alimentaires (antioxydants, arginine, vitamine C, phyto-œstrogènes…) », ajoute la Dr Grafeille. La prise en charge comporte donc un volet émotionnel (travail sur l'image du corps, la connaissance de soi…) ; un volet cognitif (lutte contre les pensées parasites, travail sur l'imaginaire et les fantasmes) et un volet comportemental conjugal (communication verbale et physique dans le couple).

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9572