Maladie veineuse thromboembolique

Dépister les facteurs de risque chez la femme enceinte

Publié le 11/10/2011
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POUR LE Dr C. Boyer-Neumann, l’augmentation du risque de MVTE chez la femme enceinte est en rapport avec des mécanismes divers : stase veineuse, modification de l’hémostase, thrombophilie constitutionnelle et acquise… La stase veineuse est liée à une diminution du débit veineux (modification hormonale) et à la compression mécanique des veines iliaques par l’utérus gravide. On va assister, dès le début de la grossesse, à un déséquilibre progressif entre les facteurs pro et anticoagulants qui aura pour but de diminuer la fluidité du sang, et ce, afin d’éviter notamment les hémorragies du post partum. C’est ainsi que les facteurs VII, fibrinogène, F VIII et facteur de Willebrand augmentent mais que la protéine S et l’antithrombine diminuent. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’intérêt à mesurer la protéine S en cours de grossesse.

Les accidents veineux thrombœmboliques sont une cause majeure de mortalité chez la femme enceinte avec de 0,8 à 1,9 décès/100 000 grossesses (Arya et coll. BJ Haem 2 011). Le risque de thromboembolie (TE) existe donc dès le premier trimestre et augmente avec le terme, il est multiplié par 5 au cours du post-partum. Quatre-vingt-cinq pour cent des MVTE sont symptomatiques, deux tiers pendant le pré-partum. À l’inverse, les embolies pulmonaires sont plus fréquentes en post-partum. Ces thromboses ont, pendant la grossesse, une localisation préférentielle : au niveau du membre inférieur G (70 à 90 % des cas) par compression de la veine iliaque G commune située entre l’artère iliaque G commune et l’utérus gravide. Mais on peut rencontrer également des thromboses pelviennes (10 % des cas). Les thromboses des membres supérieurs seraient plutôt l’apanage de la PMA en cas d’hyperstimulation. Enfin, les thromboses veineuses cérébrales sont rares survenant plutôt au troisième trimestre et pendant le post-partum.

Pour B. Carbonne, il faut savoir détecter ce risque thrombotique en repérant les sujets dont le risque est préexistant : antécédents thromboemboliques personnels, thrombophilie, caractéristiques physiques de la patiente. Il peut être lié à la grossesse : multiple, alitement, mode d’accouchement, pathologie vasculaire, placentaire. La thrombophilie peut être héréditaire (déficits en antithrombine, protéine C ou protéine S, mutation FV Leiden et FII) ou acquise (syndrome des antiphospholipides).

Traquer les antécédents.

Les antécédents thromboemboliques personnels doivent être documentés : thrombose veineuse profonde proximale ? Embolie pulmonaire ? Dans ce cas, le risque de récidive est multiplié par 3 ou 4. On recherche un facteur déclenchant : contraception œstroprogestative ou grossesse. Y a-t-il eu des séquelles confirmées par écho-Doppler récente ? Existe-t-il un antécédent familial de premier ou deuxième degré ?

L’obésité, le tabac, l’âge supérieur à 35 ans, la race noire, l’existence d’une drépanocytose, sont des facteurs additionnels. L’association IMC élevé et immobilisation a un effet péjoratif tant pendant la grossesse que pendant le post partum (Jacobsen et coll. JTH 2 008).

Certains facteurs survenant pendant la grossesse elle-même doivent alerter et inciter à une surveillance accrue comme la multiparité, les grossesses multiples, la prééclampsie, la césarienne en urgence, le travail prolongé et l’existence d’une hémorragie sévère du post-partum.

Quand demander un bilan de thrombophilie ?

Pour le Dr C. Boyer-Neumann, toute patiente ayant un antécédent thrombœmbolique personnel ou deux antécédents familiaux du 1° et 2° degré devrait en bénéficier. La décision de traitement préventif sera alors multidisciplinaire. Il faut savoir utiliser les scores de risque qui devront être à réévaluer pendant la grossesse et le post-partum. Grâce à eux, une thérapie efficace sera mise en place. Pour le Pr Carbonne, selon la classe de risque (cf. tableau), l’équipe soignante pourra soit s’abstenir et surveiller la patiente, soit utiliser des HBPM à dose préventive, voire curative en cas de risque majeur, toujours en association avec une compression veineuse (bas ou collants de contention).

Rappelons que les AVK sont contre indiqués dès la sixième semaine de grossesse. Seule la coumadine est autorisée pendant le post-partum. L’ajustement en fonction de l’anti Xa est inutile. Selon la molécule, il sera possible de faire pratiquer 1 ou 2 injections.

 DR L.M-S

Source : Le Quotidien du Médecin: 9022