Hypercholestérolémie : familiale ou polygénique ?

Par
Publié le 08/10/2021
Article réservé aux abonnés
Les sujets ayant un facteur de risque cardiovasculaire (CV), a fortiori une maladie CV (prévention secondaire), les hommes de plus de 40 ans, les femmes de plus de 50 ans, ou plus jeunes avant une contraception orale, doivent avoir un bilan lipidique. Une fois identifié le type d’hypercholestérolémie (familiale ou polygénique), l’évaluation du risque cardiovasculaire conditionne les objectifs de réduction du cholestérol LDL.
La réduction du C-LDL passe par un régime alimentaire associé ou non à un traitement médicamenteux

La réduction du C-LDL passe par un régime alimentaire associé ou non à un traitement médicamenteux
Crédit photo : Phanie

L'excès de cholestérol est athérogène, d’autant plus que le taux de C-LDL est élevé et que celui de C-HDL est bas. Si un taux de HDL bas constitue un facteur de risque cardiovasculaire (CV), un taux normal ou haut n’a pas de fonction correctrice. Plus l’hypercholestérolémie (HC) est ancienne et prolongée, plus elle est athérogène ; d’où la gravité des HC familiales et l’importance des dépistages précoces chez des sujets jeunes ayant des antécédents (ATCD) familiaux. L’HC doit être confirmée par un deuxième prélèvement sanguin fait après 12 heures de jeûne.

Les questions à se poser

- HC familiale ou polygénique ?

Xanthomes tendineux, xanthélasma, arc cornéen, histoire familiale de maladie CV précoce sont évocateurs d'HC familiale. Le dépistage précoce est essentiel dans les HC familiales, de nombreux sujets porteurs d’une HC familiale (1/100 en population générale) l’ignorent. L’HC familiale est confirmée si le C-LDL est supérieur à 1,9 g/L chez l’adulte et à 1,6 g/L chez l’enfant. Évaluer le poids. Éliminer une cause endocrinienne, en particulier une hypothyroïdie.

- Évaluer le risque CV.

L’investigation tient compte des ATCD personnels et familiaux de maladie CV. Dans les HC polygéniques, l’outil SCORE (valable de 40 à 65 ans) permet de déterminer l’objectif à atteindre pour le taux de C-LDL. Le calcul, basé sur l’âge, le sexe, le tabagisme, le cholestérol total, le C-HDL, la pression artérielle systolique, l’existence ou non d’un diabète, permet de déterminer un risque de décès CV à 10 ans. Pour la France, c’est la grille de la table d’évaluation du groupe à bas risque CV (Score Low Risk Charts) qui doit être utilisée.

S’il existe plusieurs facteurs de risque CV (HTA, tabagisme, sédentarité, etc.) et a fortiori en cas de symptôme CV, un bilan doit être effectué (épreuve d’effort, échographie cardiaque, scintigraphie myocardique d’effort, voire coronarographie, écho-doppler des vaisseaux du cou).

Ce qu’il faut faire

- Faire un bilan alimentaire et évaluer le mode de vie : enquête alimentaire, activité physique, niveau de stress, déficit de sommeil. L’activité physique est recommandée, mais n’est pas un facteur de protection CV si le C- LDL reste élevé.

- L’objectif est d’obtenir un C-LDL inférieur à 1,90 g/L en cas de risque CV faible, à 1,30 g/L en cas de risque modéré, à 1 g/L en cas de risque élevé et à 0,70 g/L en cas de risque très élevé. L’évaluation sera faite tous les trois mois tant que l’objectif n’est pas atteint puis la surveillance sera plus espacée (une fois par an) en l’absence d’évènement intercurrent ou de changement de mode de vie.

- La réduction du C-LDL passe par un régime alimentaire (réduction de l’apport des acides gras saturés) associé ou non à un traitement médicamenteux. L’approche nutritionnelle est donc systématique, mais n’est jamais suffisante dans les HC familiales, y compris lorsqu’il existe un excès pondéral (la perte de poids ne s’accompagnant pas toujours d’une baisse du cholestérol). Dans les HC polygéniques, en fonction du terrain génétique, des habitudes alimentaires antérieures, du profil de l’HC, l’amélioration via la nutrition varie entre 10 et 30 % mais ne va pas au-delà. Une consultation diététique est recommandée ainsi que la mise à disposition d’outils d’information permettant une meilleure adhésion aux recommandations*.

- Si l’objectif n’est pas atteint avec une diététique adaptée, et systématiquement dans les HC familiales, un médicament hypolipémiant doit être prescrit. Le choix d’une statine se fonde sur la baisse attendue du cholestérol : ainsi, la recherche d’une réduction de 0,30 g/l (passer de 1,60 g/l à 1,30 g/l par exemple) implique de choisir une statine permettant de baisser le cholestérol de 20 %. Les statines les moins puissantes sont donc choisies lorsque de faibles baisses sont attendues. La posologie peut être adaptée secondairement en fonction de l’objectif (doubler la dose lorsque cela est possible ou passer à une molécule plus puissante), ou la statine peut être associée à l’ézétimibe (diminution de 20 % du C-LDL en moyenne). La tolérance des statines est sujet-dépendant mais aussi statine-dépendante et dose-dépendante avec des intolérances dans 5 à 10 % des cas (intolérance vraie dans moins de 5 % des cas). Un dosage des transaminases est recommandé après trois mois de traitement puis à chaque modification de posologie, et un dosage de CPK est préconisé en début de traitement.

En cas d’échec et/ou dans les HC familiales sévères, le choix peut se porter sur les anti-PCSK9 (alirocumab, évolocumab), en prescription initiale par un spécialiste, en association éventuelle avec une statine.

Ce qu’il faut retenir

- L’objectif du taux de C-LDL est déterminé en fonction du niveau de risque CV.

- L’adaptation diététique est la règle mais n’est pas toujours suffisante dans les HC polygéniques ; elle ne l’est jamais dans les HC familiales.

- Une statine est indiquée en première intention lorsqu’un traitement médicamenteux est nécessaire.

Exergue

L’investigation tient compte des ATCD personnels et familiaux de maladie CV

D’après un entretien avec le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition et activité physique, Institut Pasteur de Lille
*« Le cholestérol décrypté », Jean -Michel Lecerf, éditions Solar santé, 6,90 euros

Dr Caroline Martineau

Source : Le Quotidien du médecin