Après chirurgie bariatrique

Les carences restent un problème

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Publié le 25/03/2019
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carences à détourer

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Crédit photo : PHANIE

Dans ses recommandations de 2009, la Haute Autorité de santé considérait que le risque de carences nutritionnelles après chirurgie bariatrique concernait surtout la chirurgie malabsorptive. Les patients ayant bénéficié d’un geste de ce type nécessitaient une supplémentation au long cours (à vie, par défaut). Pour les patients ayant subi une chirurgie restrictive, à type de sleeve gastrectomie, cette supplémentation devait être discutée au cas par cas. « Depuis, même si les recommandations françaises n’ont pas été mises à jour, les stratégies se fondent sur les recommandations de sociétés savantes américaines qui préconisent une supplémentation en multivitamines, fer, vitamine B 12, vitamine D et calcium chez tous les patients, quel que soit le type de geste, souligne le Pr Patrice Darmon (hôpital de la Conception, Marseille). Désormais, tous les patients doivent recevoir une supplémentation au long cours après chirurgie malabsorptive, et au moins durant la période d’amaigrissement après une sleeve gastrectomie ». La supplémentation sera adaptée en fonction des bilans biologiques réguliers.

« Le dépistage des carences avant l’intervention ne doit surtout pas être oublié. Elles sont fréquentes chez ces sujets obèses, qui ont souvent une alimentation riche en calories mais à faible densité nutritionnelle », ajoute le Pr Darmon.

Mais la mauvaise observance aux suppléments prescrits est un problème qui concerne de 25 à 30 % des patients. Il est essentiel de les responsabiliser, de bien leur expliquer les enjeux (risque d’anémie, de complications neurologiques, de déminéralisation osseuse…) et, face à l’argument parfois avancé du coût des multivitamines restant à leur charge, de leur préciser que certaines formules de supplémentation bien équilibrées peu onéreuses sont aujourd’hui disponibles.

Un apport insuffisant en protéines

Au-delà des carences en micronutriments, l’accent est aussi mis sur le risque de carence protéique chez ces patients, qui présentent souvent une perte musculaire importante. L’objectif est de maintenir un apport quotidien de 60 g de protéines, ce qui n’est pas si facile à obtenir en pratique (l’apport est souvent plus proche de 30 à 40 g/jour) et qui nécessite souvent la prise de compléments nutritionnels. « Ceci n’est pas toujours bien compris par le patient, qui trouve paradoxal qu’on doive lui apporter une supplémentation protéique alors qu’il vient d'être opéré pour moins manger, indique le Pr Darmon. Il faut aussi veiller à la reprise d’une activité physique pour lutter contre la perte de masse maigre ». Il est également important de dépister les troubles du comportement alimentaire en postopératoire, qui peuvent aller jusqu’à prendre le masque d’une anorexie mentale.

Autre problème qui se pose avec constance depuis les débuts de la chirurgie bariatrique : le nombre important de patients perdus de vue, environ un sur deux, deux ans après le geste chirurgical. « Tous les centres sont confrontés à ce problème à plus ou moins grande échelle, y compris les centres experts, rapporte le Pr Darmon. Différentes stratégies sont mises en place – rappel téléphonique ou recours à une application sur smartphone, avec un succès modéré. Il faut aussi diffuser plus amplement les informations auprès des médecins généralistes, qui se retrouvent en première ligne lorsque les patients ne consultent plus l’équipe spécialisée. Ceci est particulièrement important pour les nombreuses jeunes femmes en âge de procréer, chez lesquelles il est essentiel d’éviter les carences en période préconceptionnelle et au cours de la grossesse ».

Entretien avec le Pr Patrice Darmon, hôpital de la Conception (AP-HM, Marseille)

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Bilan Spécialiste