Tribut cardiovasculaire des diabétiques

Les femmes payent plus cher

Publié le 29/10/2015
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Crédit photo : PHANIE

Ce travail a étudié les causes spécifiques de près de 55 000 décès observés durant le suivi de 700 000 adultes. Soit un suivi de 13 millions d’années-personnes… L’idée était de rechercher, au-delà de la surmortalité cardiaque, déjà bien documentée, si le diabète affectait d’autres causes de décès.

L’analyse montre que le diabète, très majoritairement de type 2, est associé à un excès de morbimortalité constant. On le retrouve d’une cohorte à l’autre sans grande différence géographique ou ethnique. Globalement, la mortalité cardiovasculaire ischémique (infarctus et AVC ischémiques) est multipliée par un facteur 2,5 et la mortalité cardiovasculaire non ischémique multipliée par un facteur 1,6.

Le diabète vient aussi quasi-doubler les décès liés à une insuffisance rénale et ceux liés à une insuffisance hépatique. En revanche l’excès de mortalité par cancer est faible (RR = 1,13 ; 1,06-1,21) et largement emmené par les cancers de la bouche (RR = 1,8 ; 1,2-2,8), du foie (RR = 1,8 ; 1,3-2,6) et du pancréas (RR = 1,6 ; 1,2-2,0).

In fine, l’espérance de vie des diabétiques est réduite de 5 à 7 ans. Et, sans que l’on sache parfaitement l’expliquer, les femmes paient un plus lourd tribut avec en particulier une augmentation significative du risque de décès cardiaque d’origine ischémique chez les femmes d’âge moyen.

Le diabète plus toxique chez les femmes

Le diabète impacte plus le risque cardiovasculaire des femmes que celui des hommes, en particulier en périménopause. Telle est la conclusion de deux vastes analyses présentées à l’EASD, portant respectivement sur 3 millions d’Italiens et 11 millions d’Américains, européens et asiatiques.

L’analyse italienne présentée par Giuseppe Seghieri (Agence nationale de santé, Italie) porte sur plus de 3 millions de Toscans de plus de 16 ans entre 2005 et 2012 dont près de la moitié d’hommes (47 %). Elle montre que globalement parmi les diabétiques, les femmes ont 40 % de plus de risque de faire un infarctus que les hommes (RR = 2,7 ; 2,5-2,8 versus RR = 1,9 ; 1,9-2,0 ; p ‹ 0,05 [rapport = 1,4]). Ce surrisque d’infarctus varie selon la tranche d’âge. Il culmine dans la tranche des 45-54 ans où il est quasiment multiplié par six (RR = 5,8 ; 4,3-7,7).

En outre, alors que sur l’ensemble de la cohorte on ne met pas en évidence de surrisque d’AVC ischémique ni d’insuffisance cardiaque lié au sexe, chez les 55-64 ans il est significatif. Les diabétiques femmes de 55-64 ans souffrent par rapport aux hommes d’un surrisque à la fois d’AVC ischémique (RR = 4,1 ; 3,6-7,4 vs RR = 3,0 ; 2,8-3,3 ; p ‹ 0,03) et d’insuffisance cardiaque (RR = 6,8 ; 5,7-8,2 vs RR = 4,1 ; 3,6-4,7 ; p ‹ 0,05).

La seconde étude présentée par Xue Dong (Nankin, Chine) a utilisé les données de huit études cas témoin plus dix cohortes rassemblant au total près de 11 millions de personnes en Europe, Amérique du Nord et en Asie dans les années 1996-2014. Parmi eux 107 000 avaient fait un infarctus parfois létal.

Cette vaste analyse examine l’impact du diabète sur le risque d’infarctus et l’éventuel effet sexe. Elle met en évidence un surrisque d’infarctus chez les femmes diabétiques par rapport aux non diabétiques de l’ordre de 2,5 (RR = 2,5 ; 1,9-3,2) quand pour les hommes il est de l’ordre de 1,7 (RR = 1,4-2,0).

«Le risque cardiovasculaire des femmes est donc clairement plus affecté par le diabète que celui des hommes », conclut Xue Dong. Et l’analyse poolée met en évidence un surrisque d’infarctus, parmi les diabétiques, chez les femmes par rapport aux hommes. Leur risque est augmenté ici aussi de 40 % (RR = 1,38 ; 1,25-1,52 ; p ‹ 0,001).

« Ces travaux viennent confirmer que les femmes diabétiques sont désavantagées par rapport aux hommes diabétiques. Il y a manifestement une fenêtre de risque cardiaque en périménopause chez la femme diabétique avec une augmentation du risque d’infarctus puis d’AVC ischémique et d’IC quelques années après, commente Giuseppe Seghieri. En pratique clinique, il faut donc être particulièrement attentif à la prise en charge des diabétiques en terme de prévention cardiovasculaire. Et ceci le plus précocement possible chez les femmes, avant l’entrée en périménopause ».

(1) Gnatiuc L et al. Diabetes and causes specific mortality. OP.02-7

 

(2) Seghieri G et al. Gender difference in diabetes related excess risk of cardiovascular events: when does the risk window open? Poster 265

(3) Dong X et al. Diabetes as a risk factor for acute coronary syndrome in women compared with men: a systematic review and meta analysis. Poster 269


Pascale Solère

Source : Le Quotidien du Médecin: 9445