LA PLACE ET les modalités du dépistage de l’ischémie silencieuse chez le diabétique sont débattues depuis quelques années. Selon les recommandations conjointes de la Société française de cardiologie et de l’Alfédiam, qui datent de 2004, une ischémie myocardique asymptomatique doit être recherchée chez les patients âgés de plus de 60 ans ou ayant un diabète évoluant depuis plus de 10 ans et présentant deux autres facteurs de risque cardiovasculaire, et chez tout patient diabétique ayant une néphropathie ou une artériopathie, quels que soient son âge et l’ancienneté du diabète. Ces mêmes recommandations préconisent une épreuve d’effort complétée en cas de positivité par une scintigraphie ou une échographie de stress, puis d’une coronarographie. « Or, la cohorte DIAD a bien montré les limites de la scintigraphie : une scintigraphie anormale sera suivie un an après d’une scintigraphie normale dans 80 % des cas. Cela remet en question la valeur pronostique de cet examen dans ce contexte », expose le Dr Philippe Moulin (Lyon).
Au-delà du problème des outils du dépistage, se pose celui de la pertinence même du dépistage, c’est-à-dire de ses bénéfices pour les patients. « L’ischémie silencieuse est en général une insuffisance coronaire stable et les données des études cliniques sur les bénéfices d’une revascularisation ne sont pas complètement convaincantes. Il semble en revanche important, à la lumière de l’étude COURAGE, d’optimiser le traitement médical et le contrôle des facteurs de risque, et de « filtrer » les patients en fonction de ces facteurs et de la durée d’exposition, par exemple en réalisant un coroscanner », estime le Dr Moulin. Il faut à cet égard noter la prise de position récente de la task force de l’AHA, qui souligne que le score calcique peut être indiqué chez le patient asymptomatique.
Les objectifs tensionnels.
Parmi les facteurs de risque cardiovasculaire chez le diabétique, l’hypertension artérielle (HTA) joue un rôle majeur. « Il existe une relation linéaire directe entre les valeurs de la pression artérielle et les complications micro et macrovasculaires du diabète, et ce sans effet seuil », rappelle le Pr Michel Azizi (Paris). Ce constat a conduit les experts, qu’il s’agisse des recommandations françaises ou européennes, à considérer les diabétiques comme des sujets à très haut risque dès les valeurs de 130-139 mmHg de pression artérielle systolique et 85-89 mmHg de pression artérielle diastolique. Le traitement doit tendre vers un objectif de 130/80 mmHg, ce qui nécessite souvent la prise de deux ou trois antihypertenseurs. « Toutes les classes peuvent être utilisées, préférentiellement en faisant appel à une combinaison en doses fixes -ce qui permet de réduire le nombre de comprimés à prendre-, avec systématiquement un inhibiteur du système rénine angiotensine », précise le Pr Azizi. Les résultats de l’étude ONTARGET font déconseiller l’association d’un IEC et d’un sartan, qui n’apporte pas de bénéfice tensionnel supplémentaire par rapport à une monothérapie, et accroît le risque d’effets secondaires.
Les résultats de l’essai ACCORD, qui ont comparé deux stratégies visant deux objectifs tensionnels (PAS<120 mmHg versus PAS<140 mmHg), soulignent l’absence de bénéfice de la stratégie intensive après 4,5 ans de traitement sur les critères de mortalité totale ou cardiovasculaire. Avec en outre la survenue trois fois plus fréquente d’effets secondaires, en particulier un risque de dégradation de la fonction rénale. En attendant la mise à jour des recommandations, il semble licite d’être prudent et de ne pas faire baisser la PA en dessous de 130/80 mmHg chez le diabétique.
Les anomalies lipidiques chez le diabétique sont fréquentes et particulières, avec des anomalies quantitatives -augmentation des triglycérides et HDL cholestérol bas- et des anomalies qualitatives et cinétiques. Les liens entre événements cardiovasculaires et anomalies lipidiques de type élévation des triglycérides ont été mis en évidence dans plusieurs études, notamment PPS et WHO, rappelle le Pr Bruno Vergès (Dijon). L’administration de statines a fait la preuve de son efficacité chez le diabétique, tant en prévention secondaire (4S, CARE, HPS, TNT) que primaire (CARDS). Cependant, après traitement, le risque cardiovasculaire des diabétiques reste supérieur à celui des non diabétiques non traités. Ce risque résiduel est lié au fait que les statines agissent essentiellement sur le LDL-cholestérol, et moins sur les autres cibles que sont le HDL bas, les triglycérides élevés et la présence de LDLpetites et denses. Ceci a conduit à évaluer les fibrates dans des essais cliniques, avec des résultats globalement décevants, tant en monothérapie qu’en association avec une statine. Les analyses de sous-groupes de patients avec des profils lipidiques à haut risque soulignent toutefois les bénéfices potentiels des fibrates, notamment en terme de réduction du risque de rétinopathie (étude FIELD) et de macroalbuminurie (étude ACCORD-lipides). Les résultats d’études d’intervention spécifiques, qui sont en cours, devraient permettre de mieux préciser leur place dans ce contexte.
Enfin, le diabétique présente également des particularités en termes de réponse au traitement antiplaquettaire, avec une moindre efficacité de l’acide acétylsalicylique (ASA) et du clopidogrel. Des travaux récents ont permis de montrer que l’accélération du turn-over plaquettaire serait responsable de la moindre durée d’efficacité de l’aspirine. « Cette résistance à l’ASA n’est cependant pas une fatalité, insiste le Pr Ludovic Drouet (Paris), car son administration à raison de 75 mg deux fois par jour versus 150 mg en une prise le matin permet de réduire le nombre de non répondeurs (17 % versus 43 % dans une étude menée chez des diabétiques coronariens) ». La résistance au clopidogrel serait, elle, la conséquence de l’activité estérasique sérique accrue chez le diabétique. Les nouveaux antiplaquettaires, ticagrelor et prasugrel, se montrent en revanche aussi efficaces chez le diabétique que chez le non diabétique.
Session commune de l’association de langue Française pour l’Étude du Diabète et des maladies/Société Française de cardiologie. « Objectifs et moyens de la prévention cardiovasculaire chez le diabétique », présidée par les Pr Alexandre Fredenrich (Nice) et Éric Van Belle (Lille).
Article précédent
Quoi de neuf en 2011 ?
Article suivant
L’olmésartan agit sur la plaque d’athérome
Un retour aux fondamentaux
Quoi de neuf en 2011 ?
Les particularités du diabétique
L’olmésartan agit sur la plaque d’athérome
Le dabigatran chez les patients à risque
Comment les utiliser en pratique ?
La mise sur le marché de la dronédarone
Le prasugrel, un bénéfice clinique précoce et durable
Quelle place pour les nouveaux anticoagulants oraux
Les premiers résultats de l’étude SHARP chez l’insuffisant rénal
Les effets de l’olmésartan sur la microalbuminurie
Une association à éviter
Des méthodes complémentaires
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points