Une bataille décisive à Bruxelles

Quel futur pour le Nutri-Score ?

Publié le 04/11/2022
Article réservé aux abonnés
Proposé au niveau Européen, Nutri-Score pourrait devenir obligatoire pour tous. La notation devrait aussi évoluer en 2023 pour tenir compte de l’effet nocif des additifs.
La comparaison permet d’orienter vers des produits plus sains

La comparaison permet d’orienter vers des produits plus sains

L’Union Européenne (UE) est en consultation pour choisir, d’ici à fin 2022, un logo officiel qui serait apposé sur les emballages d’aliments et renseignerait sur la valeur nutritionnelle des produits vendus. Un des candidats est le logo Nutri-Score : facile à utiliser et scientifiquement validé, il a été adopté par plus de 800 marques (57 % du marché français en 2021) depuis son introduction en France en 2017, et il est utilisé dans six autres pays européens. S’il est choisi par l’UE, le Nutri-Score deviendrait obligatoire, imposé aux marques alimentaires réfractaires.

« Il y a un décès sur cinq dans le monde qui est lié à des problèmes nutritionnels, explique la Dr Mathilde Touvier, directrice de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren) Inserm/Inrae/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord à Bobigny, qui a reçu le Prix Bettencourt « Coups d’élan pour la recherche française » en 2021, pour ses recherches sur le Nutri-Score, l’alimentation et les liens entre la transformation industrielle des aliments et le développement de maladies. L’idée de nos travaux, c’est de découvrir les facteurs de risque et les facteurs protecteurs, mais aussi, in fine, de pouvoir proposer des outils de santé publique qui permettent de prévenir de manière efficace le risque de maladies chroniques via la nutrition. »

Les études nutritionnelles, notamment NutriNet-Santé (1) qui est dirigée par la Dr Touvier, ont permis de démontrer l’effet protecteur des fruits, légumes, fibres, produits laitiers (deux portions par jour) sur le cancer colorectal, ainsi que l’importance de l’activité physique pour améliorer le pronostic et éviter la récidive de cancers. La consommation régulière d’alcool a été corrélée avec une augmentation de risque de cancer du sein et le surpoids a été identifié comme facteur de risque de cancers digestifs, des voies reproductives, du rein et du sein.

Vers une évolution de la notation

« Il y a trois dimensions quand on s’intéresse à l’effet santé des aliments : la dimension nutritionnelle, l’ultra-transformation/additifs et la présence de pesticides/contaminants environnementaux. On est en train de réfléchir à faire évoluer le Nutri-Score, en lui donnant une information supplémentaire sur le côté ultra-transformation et additifs », explique la Dr Touvier. Les travaux de recherche récents de l’Eren démontrent en effet les effets nocifs des additifs et contaminants dans les aliments, tels que les nitrates et nitrites cancérigènes dans les charcuteries et les édulcorants dans les boissons sucrées.

Bien qu’il n’inclue pas les additifs pour l’instant, le Nutri-Score reste un outil important pour informer les consommateurs sur la valeur nutritive des produits, qui peut être utilisé en parallèle avec les labels bio pour éviter aussi les pesticides. Son adoption par l’UE est vivement contestée par plusieurs acteurs de l’industrie agro-alimentaire. « Certains industriels, qui ont d’ailleurs un portefeuille de produits majoritairement D ou E, refusent le Nutri-Score parce que ça ne serait pas favorable à leurs gammes. Ils tentent de proposer des scores alternatifs, que nous avons testés et qui iraient à l’encontre de la santé publique », dénonce la Dr Touvier.

« Il faut vraiment avoir une recherche indépendante de tout lien et de tout conflit d’intérêts. On a eu beaucoup de démarchage de la part d’industriels au début de l’étude NutriNet-Santé, confie la Dr Touvier. On ne peut pas se permettre d’avoir un financement de la part de l’industrie agro-alimentaire pour ce type de recherche. » D’où l’intérêt de prix financiers indépendants comme ceux offerts par la Fondation Bettencourt Schueller, qui contribuent aux recherches menées par cette équipe, en parallèle avec un financement public national et européen.

Exergue : Un décès sur cinq dans le monde est lié à une mauvaise alimentation

Entretien avec la Dr Mathilde Touvier 

(1) etude-nutrinet-sante.fr

Loane Serrano

Source : Nutrition