La promesse de réduire l’insulinothérapie et le poids… dans le type 2 seulement

Régimes cétosiques : faux espoirs et réels dangers dans le DT1

Publié le 22/03/2022
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Promues sur les réseaux sociaux, les diètes cétogènes sont à la mode. Mais les patients atteints de diabète de type 1 ou 2 ne sont pas logés à la même enseigne, et ce régime peut exposer le patient type 1 à des déceptions assorties à de sérieuses complications. La supervision d’un diabétologue expérimenté et averti de ces risques s’impose.
Trop de patients vont réduire leur dose d’insuline lente en deçà de la dose nécessaire à leur survie

Trop de patients vont réduire leur dose d’insuline lente en deçà de la dose nécessaire à leur survie
Crédit photo : phanie

Crédit photo : phanie

Les corps cétoniques sont habituellement générés dans deux situations physiopathologiques : l’acidocétose diabétique et le jeûne prolongé. Cependant, on observe un engouement récent pour des régimes dits « cétogènes », dont le but est d’augmenter volontairement leur concentration circulante pour perdre du poids, ou améliorer l’équilibre du diabète de type 2 (DT2), voire arrêter l’insulinothérapie.

De plus en plus de patients atteints de diabète de type 1 (DT1) — ou leurs parents s’agissant d’enfants (1) — sont également attirés par ce type de régimes, réalisés parfois sans encadrement médical, généralement dans l’espoir de réduire fortement l’insulinothérapie. Il est important d’avertir les patients atteints de DT1 du risque de complications potentiellement sérieuses de tels régimes.

De la cétogenèse à l’acidocétose

Pour rappel, lors de la restriction calorique, l’insulinémie diminue en faveur d’une hyperglucagonémie relative, l’adipocyte libère alors des lipides stockés, qui sont transformés par le foie en corps cétoniques (fig. A). Ceux-ci sont convertis en énergie par de nombreux tissus et l’excèdent est éliminé dans les urines.

Si, dans une situation physiologique, l’insulinémie baisse, elle ne s’annule jamais, ce qui permet d’éviter l’emballement de la cétogenèse ; au contraire, dans un contexte de diabète de type 1, la carence absolue en insuline rend incontrôlable la cétogenèse, provoquant une acidose non contrôlée, avec un risque vital en l’absence de traitement (fig. B).

Un processus inadapté au type 1

Lorsqu’ils pratiquent ces régimes, afin d’éviter les hypoglycémies, les patients sont conduits à réduire leurs traitements hypoglycémiants. Si l’adaptation est assez facile en cas de DT2, elle est plus risquée pour le DT1. En effet, la réduction des doses d’insuline rapide ne suffit parfois pas à éviter les hypoglycémies, et une proportion importante de patients va réduire sa dose d’insuline lente, l’insuline qui assure la survie.

En dessous d’une certaine valeur d’unités (personnelle pour chaque patient), la carence en insuline s’installe, et la cétogenèse change alors de nature. Elle n’est plus contrôlée, une acidocétose risque de se mettre en place, mettant la vie du patient en danger. Les nausées et vomissements induits par l’acidose ne doivent pas être interprétés comme un signe attendu et normal de l’initiation de la cétogenèse, lors de laquelle on observe également, et plusieurs jours de suite, ces symptômes.

Comme pour toute acidocétose diabétique, l’hospitalisation immédiate est alors indispensable : à ce stade, les ajouts d’insuline rapide sont inefficaces à eux seuls.

Cette évolution délétère n’est pas observée en cas de DT2, où la persistance d’une l’insulinosécrétion endogène permet d’éviter la carence en insuline et de diminuer significativement, voire d’interrompre, l’insulinothérapie.

Mais la confusion entre DT1 et DT2 est possible en l’absence de supervision médicale, donnant de faux espoirs d’arrêt de l’insulinothérapie chez les patients DT1.

Autre objectif de la diète cétogène chez certains patients DT1, de plus en plus nombreux à être concernés : réduire le surpoids. Or, la poursuite obligatoire de l’insuline lente — afin d’éviter l’acidocétose — va réduire la capacité de cétogenèse, et donc la perte de poids. Il n’est pas rare qu’elle soit alors très limitée, malgré la réduction, même drastique, des apports glucidiques, ce qui renforce la frustration des patients en difficulté pondérale.

Complications organiques

Les diètes cétogènes pourraient être délétères sur le plan cardiovasculaire, à cause de l’augmentation du LDL cholestérol, mais la réalité du risque n’est pas connue chez le DT1.

En revanche, nous avons déjà observé, lors de la baisse brutale des glycémies à l’initiation de la cétogenèse, une aggravation des complications de microangiopathie, comme la rétinopathie (avec prolifération nécessitant du laser) et la neuropathie (avec l’apparition de signes cliniques difficilement réversibles). Les surveillances ophtalmologique et neurologique rapprochées sont donc indispensables durant la diète cétogène, de manière similaire aux situations de correction rapide de l’hyperglycémie chronique par l’insulinothérapie (2).

Exergue : Une proportion importante de patients va réduire sa dose d’insuline lente en deçà de la dose nécessaire à leur survie

Service de Diabétologie-Métabolismes, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris. Pas de conflit d’intérêts en rapport avec cet article

(1) Neuman V et al. Low-carbohydrate diet among children with type 1 diabetes : a multi-center study. Nutrients. 2021 Oct 30;13(11):3903. doi : 10.3390/nu13113903

(2) Buehler LA et al. Ketogenic diets in the management of type 1 diabetes : safe or safety concern ? Cleve Clin J Med. 2021 Oct 1;88(10):547-55. doi : 10.3949/ccjm.88a.20121

Pr Fabrizio Andreelli
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Source : lequotidiendumedecin.fr