Une approche pluridisciplinaire de la pauvreté

Toutes les facettes de la vulnérabilité alimentaire

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Publié le 27/02/2020
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La pauvreté peut être appréhendée sous différents angles, qui dépassent le seul revenu d'un individu : sa culture, son éducation, son recours aux politiques sociales ou encore son ressenti. Quelle que soit l'origine de la vulnérabilité alimentaire, elle doit être mieux prise en compte par les politiques économiques nationales.
Des invisibles dont il est difficile de cerner les besoins

Des invisibles dont il est difficile de cerner les besoins
Crédit photo : phanie

Partant d'une approche monétaire, une situation de pauvreté se définit pour une personne qui perçoit des revenus inférieurs à 50 ou 60 % du revenu médian (il s’élevait à 1 710 €/mois en 2016), selon l'Insee. La grande pauvreté est fixée à un seuil de 40 % de celui-ci. De multiples approches non monétaires permettent aussi de mesurer la pauvreté. Elles comportent des critères tels que l'éducation et la culture de l'individu, son insertion professionnelle, son réseau social…

L'approche par les conditions de vie, mesurée par l'Insee, comporte 27 critères dont deux seulement sont dédiés à l'alimentation : l'absence de repas au moins une journée lors des deux dernières semaines (2,9 % des ménages en 2004 contre 3,5 % en 2016) et l'impossibilité financière de consommer de la viande tous les deux jours (8 % des ménages en 2016). Une autre approche est celle qui prend en compte les bénéficiaires des minima sociaux et des politiques sociales : en France en 2017, par exemple, plus de 5 millions de personnes ont bénéficié d'un programme d'aide alimentaire.

Mieux prendre en compte le ressenti

Dernier moyen d'appréhender la pauvreté d'un individu : considérer son ressenti. En effet la place qu'occupe l'alimentation pour les personnes en situation de pauvreté est primordiale. « Selon l'approche monétaire, le budget consacré à l'alimentation fait partie du "reste à vivre", c'est-à-dire ce qui reste après avoir réglé les dépenses contraintes (logement, télécommunication, assurances…). En moyenne, la part dédiée à l'alimentation est de 30 % du budget d'un ménage. Chez les personnes les plus pauvres, les dépenses contraintes représentent, malheureusement, la majeure partie de leur budget », affirme France Caillavet, économiste, directrice de recherches à l'Inra (laboratoire Alimentation et sciences sociales-Aliss).

Ainsi la pauvreté peut être appréhendée en s'intéressant directement à l'alimentation des individus. Le sommet mondial de l'alimentation, en 1996, a notamment donné lieu à une définition faisant l'objet d'un consensus international, de la notion d'insécurité alimentaire. Celle-ci est définie comme « une situation dans laquelle les personnes n'ont pas la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une alimentation sûre, nutritive, en quantité suffisante qui satisfasse les besoins nutritionnels et les préférences alimentaires, pour leur permettre de mener une vie active et saine », par l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Cette approche multidisciplinaire s'est développée au niveau micro-économique (ménages et individus), en incluant les déclarations individuelles de ressenti de la pauvreté. « Des indicateurs d'insécurité alimentaire, analysant les restrictions pour raisons financières, sont développés par le ministère de l'agriculture américain (USDA) et la FAO. En France, les différentes enquêtes sur la pauvreté et l'insécurité alimentaire ont identifié plusieurs types de ménages particulièrement touchés (familles monoparentales ou nombreuses, jeunes de moins de 30 ans, travailleurs pauvres et immigrés). Par ailleurs, les enfants, les femmes et les personnes âgées sont de plus en plus nombreux à bénéficier d'aides alimentaires », note France Caillavet.

Cycle de conférences organisées par le Fonds français pour l'alimentation et la santé

Hélia Hakimi-Prévot

Source : lequotidiendumedecin.fr