Le microbiote

Médicament d’avenir des maladies du tube digestif ?

Publié le 20/03/2014
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Crédit photo : PHANIE

Les difficultés de culture expliquent qu’il ait tardé à être connu. Les grandes avancées sont venues de l’étude de l’impact de la flore sur le système immunitaire et métabolique d’animaux axéniques -sans flore- et des progrès de la biologie moléculaire et du séquençage (MetaHIT, Europe; Human Microbiome Project, USA). « Si le génome des bactéries du microbiote (100 à 150 fois plus grand que le génome humain) sera vraisemblablement bientôt répertorié, en revanche l’étude de ses fantastiques capacités fonctionnelles promet d’être longue et difficile » tempère le Dr Harry Sokol.

Le microbiote se constitue dans la petite enfance : virus, champignons, plusieurs centaines d’espèces de bactéries… Sauf maladies, antibiothérapies, modifications d’habitudes (voyages, changements d’alimentation, tabagisme, arrêt du tabac), puis vieillissement, il évolue peu au cours de la vie.

Son rôle important dans l’immunité et le métabolisme de l’hôte se précise : maturation du système immunitaire, défense contre les infections bactériennes, renforcement de la barrière intestinale, multiplication des cellules épithéliales, absorption d’ions, synthèse de vitamines, catabolisme de xénobiotiques (carcinogènes, médicaments…), régulation du métabolisme glucidique ou lipidique, source d’énergie (production d’acides gras à chaînes courtes)…

Outil thérapeutique et/ou marqueur de risque ?

Ses modifications et son implication dans des pathologies humaines, notamment digestives : MICI, cancer du colon, syndrome de l’intestin irritable, en font une cible thérapeutique et un marqueur de risque potentiel.

Le Dr Harry Sokol souligne les nombreuses pistes thérapeutiques : « augmenter l’efficacité des antibiotiques, pré- et probiotiques dans des MICI en ciblant les bactéries à utiliser, isoler et utiliser des principes actifs (immunorégulateur…) de bactéries, bactéries recombinantes (vecteurs de médicaments), transplanter la flore, changer le microbiote (administrer un microbiote entier)… »

La transplantation de flore avance :

-dans les infections à Clostridium difficile récidivantes, elle fait partie des recommandations de traitement (Europe, USA). Le 1er essai randomisé contrôlé (Els Van Nod et al. NEJM, 2013) montre sa grande efficacité. Des questions restent en suspens : risque-t-elle de transmettre des maladies (bactéries, virus ou champignons), tous les donneurs sont-ils bons pour un patient ?

-dans le syndrome métabolique, elle améliore sensibilité à l’insuline et paramètres biologiques (1)

-dans la maladie de Crohn, un essai clinique est en cours (Hôpital Saint-Antoine, Paris).

Pour le Dr Harry Sokol « les modifications du microbiote dans les maladies intestinales intéressent de près les chercheurs : pourra-t-on en tirer des biomarqueurs pour dépister ces maladies, cibler les traitements… ? »

D’après un entretien avec le Dr Harry Sokol, Gastro-entérologie, Hôpital Saint-Antoine, Paris ; Inserm, U1057

(1) Vrieze A. et al. Transfer of intestinal microbiota from lean donors increases insulin sensitivity in individuals with metabolic syndrome. Gastroenterology 2012 ; 143 (4) : 913-6. e7 (Erratum in : Gastroenterology 2013 ;144 (1) : 250)

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9311