Épidémie de SHU en Allemagne

Un germe à double profil de virulence

Publié le 24/06/2011
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L’ÉPIDÉMIE de diarrhées sanglantes et de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) qui vient de toucher l’Allemagne est la plus meurtrière des toxi-infections alimentaires dues à Escherichia coli jamais enregistrée dans le monde. Le bilan arrêté au 20 juin fait état de 810 cas de SHU), 2 684 cas d’infection sans SHU et 39 décès. Hors d’Allemagne, une centaine de cas importés ont également été signalés dans d’autres pays européens (Autriche, Danemark, Espagne, France, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Suède) mais aussi au Canada et aux États-Unis.

La souche O104:H4, isolée chez un patient de Münster le 23 mai, est une souche rare qui avait déjà été isolée en 2001 en Allemagne chez un enfant atteint de SHU et qui avait été conservée dans les collections du laboratoire de référence pour les SHU de l’Université de Münster. Des chercheurs allemands de l’université de Münster, du Centre de référence pour les salmonelles et autres bactéries entéropathogènes et de l’Institut Robert-Koch ont cherché à établir le profil de virulence de cette bactérie particulière. Leur étude a été réalisée à partir de souches isolées, entre le 23 mai et le 22 juin, chez 80 patients (66 présentant un SHU et 13 autres une diarrhée infectieuse) hospitalisés dans 22 hôpitaux de 17 villes différentes d’Allemagne. Neuf des seize États fédéraux du pays étaient concernés.

Le même profil.

Toutes les souches isolées ont le même profil. Toutes sont un clone de la souche isolée en 2001, combinant les facteurs de virulence des souches d’E. coli productrice de shigatoxines (stx2, iha, lpf026, lpf0113) et ceux des souches d’E. coli entéroaggrégatif (aggA, aggR, set1, pic, aap). Toutes les souches isolées ont également le même profil de résistance aux antibiotiques : elles sont résistantes à toutes les pénicillines, aux céphalosporines mais sont susceptibles aux antibiotiques de la famille des carbapénèmes. La même double virulence était déjà présente dans la souche de 2001 mais pas l’antibiorésistance caractéristique des souches productrices de bêtalactamase à spectre élargi (ESBL).

Cette double virulence, associée à la multirésistance de la souche épidémique, pourrait expliquer la fréquence inhabituelle des cas de SHU observés. En effet, les souches E. coli entéroaggrégatif se caractérisent par une plus grande adhérence à l’épithélium intestinal. Cette meilleure adhérence « pourrait avoir facilité l’absorption de la shigatoxine et son passage dans la circulation générale, ce qui pourrait expliquer le nombre élevé de formes ayant évolué vers un syndrome hémolytique et urémique », soulignent Martina Bielaszewska et col.

Les graines en question.

L’étude n’a pas totalement permis d’élucider le mécanisme de la virulence particulière de la souche en Allemagne. La même double virulence avait déjà été mise en évidence il y a une quinzaine d’années sur une souche d’E. coli O111 à l’origine d’un épisode de cas groupés en France mais « le nombre de cas de SHU (10) était beaucoup moins élevé que lors de l’épidémie allemande », notent les auteurs. D’autres facteurs pourraient expliquer les différences de virulence entre les deux souches O104:H4 allemande et O111 française, en particulier les modes de transmission et la source de la contamination.

Dans un commentaire publié également en ligne, Hugh Pennington, professeur émérite de l’Université d’Aberdeen, en Écosse, recense plusieurs épisodes d’infections liées à la consommation de graines germées, estimant qu’elles ne sont pas si « rares ». Entre 1988 et 1998, il en compte une dizaine, dont l’épidémie d’E. coli O157:H7 qui a touché 2 764 personnes en 1996 au Japon. Et il assure que beaucoup d’infections liées aux graines germées ne sont pas recensées. « Les graines germées sont des aliments à haut risque : la contamination se fait généralement au niveau des graines, la germination avec une incubation en milieu humide, des conditions idéales pour la multiplication microbienne, servant de détonateur », insiste-t-il. Selon lui, aucun procédé n’est aujourd’hui susceptible d’assurer une stérilisation parfaite des germes. « J’attends avec intérêt les solutions mises en place par les producteurs de graines germées en Allemagne », conclut-il.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8989