Au cours de la drépanocytose

Bons résultats d’une allogreffe non myéloablative chez l’adulte

Publié le 09/12/2009
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De notre correspondante

LA DRÉPANOCYTOSE, ou hémoglobinose S, est caractérisée par l’altération de l’hémoglobine. Cette maladie héréditaire récessive est particulièrement fréquente en Afrique, en Inde, au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen. Les globules rouges des patients (homozygotes) ne contiennent que l’hémoglobine S, qui se polymérise et devient insoluble lors d’une hypoxie. La maladie se manifeste par une anémie hémolytique, des crises vaso-occlusives et des infections liées à la destruction de la rate par des infarctus tissulaires répétés.

À ce jour, le seul espoir de guérison est offert par la greffe de moelle osseuse, ou allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Environ 200 enfants drépanocytaires ont bénéficié d’une greffe de CSH à partir d’un donneur HLA-compatible de la fratrie, après conditionnement myéloablatif (busulfan et cyclophosphamide). Le taux de survie sans maladie atteint95 %.

La greffe de moelle myéloablative est toutefois trop toxique pour être envisagée chez les adultes drépanocytaires, en raison de dysfonctions sévères d’organes ou d’une hypertension pulmonaire. Un protocole de conditionnement non myéloablatif qui permettrait d’obtenir un chimérisme hématopoïétique stable pourrait faciliter la greffe chez ces adultes. Deux obstacles doivent être surmontés toutefois : le rejet de la greffe et la réaction du greffon contre l’hôte en présence des cellules T du donneur.

À cette fin, Hsieh (Bethesda) et coll. ont mis au point un schéma de conditionnement non myéloablatif comprenant une faible irradiation corporelle, l’alemtuzumab et une immunosuppression par sirolimus commencée juste avant la greffe et poursuivie jusqu’à ce que le chimérisme du donneur atteigne 100 %.

L’alemtuzumab, un anticorps monoclonal humanisé contre le CD52 sur les lymphocytes, élimine les cellules T et B. À la différence de la cyclosporine, le sirolimus ne bloque pas l’activation des cellules T mais inhibe plutôt la prolifération des cellules T activées (qui deviennent anergiques), ce qui favorise la tolérance des cellules T. 

L’équipe publie les résultats d’une étude menée chez 10 adultes (âgés de 16 à 45 ans) ayant une drépanocytose sévère.

Greffe de cellules souches CD34 + périphériques.

Après conditionnement par alemtuzumab (de J-7 à J-3), irradiation (300cGy à J-2) et sirolimus (dès J-1 et poursuivi après), les patients ont reçu une greffe de cellules souches CD34 + périphériques. Elles avaient été prélevées chez un donneur HLA-compatible de la fratrie, ayant reçu un traitement mobilisateur par G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor).

Les résultats sont prometteurs. Les 10 patients greffés sont vivants après un suivi moyen de 2 ans et demi. Neuf patients ont eu une prise de greffe à long terme, suffisante pour entraîner la disparition du phénotype drépanocytaire. Ils hébergent un chimérisme donneur-receveur avec, dans le sang, un pourcentage moyen de 53 % de cellules T du donneur et 83 % de cellules myéloïdes du donneur. Les patients ont continué de recevoir le sirolimus en raison de leur chimérisme. Les taux d’hémoglobine se sont améliorés progressivement, passant de 9 g/dl avant la greffe à 12,6 g/dl au dernier examen.

Aucun patient n’a déclaré de réaction du greffon contre l’hôte. Le sirolimus a été associé à des arthralgies (6 cas) et à des pneumopathies inflammatoires (2 cas). Un suivi plus long sera nécessaire pour déterminer si cette approche diminue la morbi-mortalité due à l’affection.

New England Journal of Medicine, 10 décembre 2009.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr